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Charité, neutralité ou justice

11    Les actions de bienfaisance furent longtemps le fait de chrétiens charitables: des
2 religieux secourant les plus miséreux ou des laïcs consacrant une partie de leur temps et de
3 leur argent à ce que l'on appelait «les bonnes œuvres». Les organisations humanitaires
4 proprement dites se sont d'abord attaquées à la guerre, non pour la supprimer, mais pour
5 en atténuer les horreurs. Ainsi naquit la Croix-Rouge internationale, fondée en 1863 par le
6 Suisse Henry Dunant. La création de l'Organisation des Nations Unies, après la Seconde
7 Guerre mondiale, a internationalisé et institutionnalisé cette aide.
28    Quant aux organisations humanitaires modernes, elles sont nées de la génération qui
9 a participé aux événements de mai 68. Certains, déçus par la politique, ont subitement
10 découvert, selon une formule de l'époque, «trois milliards d'hommes dans la salie
11 d'attente», Entendez: le Tiers monde. Bernard Kouchner¹ et d'autres allèrent alors faire
12 leurs premières armes dans les maquis du Biafra, une province révoltée du Nigeria. Avec
13 une idée neuve: abandonner l'exigence de neutralité qui obligeait la Croix-Rouge
14 internationale à distribuer quatre fois plus de nourriture au gouvernement nigérian
15 assiégeur qu'aux Biafrais affamés et assiégés. Les organisations humanitaires modernes se
16 permettaient de dédaigner le droit international (qui donnait raison au gouvernement
17 nigérian) , en vertu du devoir d'assistance aux plus faibles.
318    Une grande partie de l'aide fournie au Tiers monde par les pays riches, via les
19 organisations internationales ou des associations privées (les ONG²), est donc consacrée
20 aux secours d'urgence - en cas de guerre, famine, épidémie ou catastrophe naturelle. Une
21 autre partie de l'aide est affectée à des actions de développement. Leur but: aider les pays
22 pauvres à combler leur retard économique et technologique par rapport aux pays riches.
23 Par exemple, en installant des pompes, des jardins maraîchers, des policiiniques, des écoles,
24 côté ONG; des routes, des barrages et des usines, côté aide publique (celle des Etats et des
25 grands organismes comme la Banque mondiale).
426    Quelle est l'efficacité de ces projets? Très variabie, selon leur nature. Les petites
27 réalisations, de plus en plus souvent encadrées par des animateurs locaux, peuvent
28 améliorer le sort des villageois du secteur. Mais certains grands projets ont fait scandale
29 parce que superflus ou carrément inutilisables (centrales électriques sans réseau de
30 distribution, routes ne menant nulle part, etc.). Alors que l'Afrique absorbe 30% de l'aide
31 au développement dispensée par les pays industrialisés - soit plus de 90 milliards de francs
32 par an -le niveau de vie de l'Africain moyen ne cesse de baisser depuis trente ans. Preuve,
33 s'il en est besoin, que la «manne humanitaire» est loin d'avoir tiré l'Afrique de l'ornière.

noot 1 Bernard Kouchner: oprichter, in 1980, van «Médecins du Monde», een medisch-sociale organisatie
noot 2 ONG: afkorting van Organisations non gouvernementales

«Science et vie Junior», no 19 de janvier 1995