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Des industriels ébahis

Des industriels ébahis

11 La Chine est devenue l'acheteur le plus acharné de la planète. Depuis qu'elle a fait
2 savoir qu'elle était décidée à rattraper son retard économique et technologique avec le
3 concours des autres nations, le monde entierse presse à sa porte pour lui offrir usines,
4 avions, hôtels, métros, boissons gazeuses, stations de sports d'hiver, etc. Pensez! Un pays
5 qui paie au comptant des milliards de francs. Un marché d'un milliard d'hommes, c'est à
6 donner le vertige aux services de marketing les plus blasés. Et Pékin la Rouge qui invite
7 les Chinois à s'enrichir età penser au profit!
28    Après les Japonais et les Américains, les Français ont constaté que la Chine s'était
9 éveillée. lIs rattrapent leur retard en multipliant les missions ministérielles: quatorze
10 membres du gouvernement n'ont-ils pas voulu imiter, récemment, Marco Polo? Parmi ces
11 visiteurs, M. Paul Quilès, ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, s'est
12 signalé, du 3 au 11 mai, par une activité commerciale débordante pour placer la
13 technologie française.
314    Même s'il ne déteste rien tant que jouerIevoyageur représentant, ila servi de
15 poisson-pilote à une quarantaine d'hommes d'affaires venus vanter leurs produits
16 ferroviair es et leurs métros. L'accompagnaient aussi la fine fleur du génie civil, du
17 bâtiment et des travaux publics, des hôteliers et même deux architectes, MM. Bofill et
18 Charpentier.
419    Tous ont fait connaissance avec les règles du jeu commercial impitoyable, envigueur
20 dans l'Empire du Milieu. Pas question, en effet, de lui vendre des biens et des services et
21 de repartir en emportant son bénéfice. La Chine demande à ceux qui prétendent devenir
22 ses fournisseurs de transférer leur technologie, autrement dit de lui apprendre à les
23 concurrencer un jouret elle exige que l'usine achetée serve d'abord à l'exportation. Pour
24 couronner le tout, elle oblige ses futurs partenaires à constituerdes sociétés communes,
25 c'est-à-dire des sociétés oû elle apporte seulement le terrain, à charge pour la firme
26 étrangère de trouver le capital nécessaire à la vie de l'entreprise.
527    Dans la suite de M. Quilès, on est tout interdit par les perspectives que les
28 interlocuteurs chinois font miroiter. Pourtant, la plupart des hommes d'affaires n'ont
29 encore aucun contrat enpoche. C'est le cas, par exemple, de M. Roger Godino, PDG de la
30 société des Arcs. Il négociait pour l'installation d'une station de sports d'hiver en
31 Mandchourie, à Mao-Tié-Lin. Trois mille, quatre mille lits pour attirer les Japonais et
32 entraîner les équipes de ski chinoises. 600 millions de franc sà trouver.
633    M. Frédéric Pascal, PDG de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts
34 (SCIC), s'interroge sur les perspectives de coopération immobilière. Les Chinois savent
35 parfaitement construire. Il est donc inutile de leur proposer une aide en la matière. En
36 revanche, la SCIC pourrait leuré viter les erreurs d'urbanisme qu'elle a commises en
37 région parisienne dans les années 60. Elle pourrait également leur conseillerdes
38 matériaux, voire des fabricants de matériaux. Elle sait réaliser une programmation
39 hospitalière, et connaît l'hôtellerie. La SCIC se propose donc comme maître d'ouvrage de
40 certaines opérations, car il faut participer à la révolution économique que vit la Chine.
741    Une question essentielle se retrouve dans toutes les têtes étrangères. La Chine ne
42 risque-t-elle pas de se refermer brutalement parce qu'elle contröle assez mal la
43 modernisation en cours?


«Le Monde» du 28 mai 1985