1 | 1 | | Je suis toujours étonnée, lorsque je participe à des réunions de travail sur le bruit, |
| 2 | | ou que je lis les articles que d'éminentes personnalités y consacrent, de rencontrer |
| 3 | | toujours les préalables et mises en garde de ce genre: «Le bruit est un phénomène |
| 4 | | essentiellement subjectif ... Il est délicat d'apprécier objectivement l'existence de la gêne |
| 5 | | La lutte contre le bruit, peut-être, mais attention : à partir de quel seuil?» etc. |
| 6 | | -Manifestement, leurs auteurs ne sont pas concernés. S'ils l'étaient, ils ne |
| 7 | | prendraient pas le bruit avec de telles pincettes. |
2 | 8 | | Car peu importe le seuil, il y a gêne dès qu'il y a dénonciation. La subjectivité |
| 9 | | n'intervient qu'au niveau du choix du bruit dénoncé. En fait quelqu'un qui ose se |
| 10 | | plaindre, qui prend le risque de faire une démarche toujours coûteuse pour lui, |
| 11 | | psychologiquement, socialement (on craint toujours les représailles), économiquement, |
| 12 | | appelle au secours : il n'en peut plus. Pas forcément à cause du problème qu'il a choisi de |
| 13 | | cibler. A cause de l'accumulation qu'il supporte, souvent inconsciemment, de bruits |
| 14 | | gênants, pénibles, dont chacun pris isolément n'a pas forcément une intensité élevée, |
| 15 | | mais qui, mis bout à bout, jour et nuit, deviennent intolérables jusqu'à la douleur |
| 16 | | physique. |
3 | 17 | | Elue de Seine-Saint-Denis, je ne suis pas présidente du Conseil national du bruit, |
| 18 | | créé par le ministre de l'environnement en 1982, par hasard, ou par désir d'accumuler les |
| 19 | | titres ronflants, La Seine-Saint-Denis, proche banlieue de Paris, inflige à ses habitants le |
| 20 | | summum de ce qu'une grande ville peut sécréter comme pollution en tout genre, et en |
| 21 | | particulier comme pollutions sonores: périphérique parisien, autoroutes, aéroports du |
| 22 | | Bourget et de Roissy, liaisons hélicoptère Issy-Le Bourget et Orly-Roissy, sillonnent de |
| 23 | | part en part des «cités radieuses» dont les logements sont construits de telle sorte que |
| 24 | | tous devraient être insonorisés aujourd'hui si l'on prenait en compte le «seuil» de |
| 25 | | décibels acceptable par la réglementation. Ajoutons que rien n'a été prévu dans ces cités |
| 26 | | pour permettre aux enfants et aux jeunes de jouer ou de se distraire: ils sont donc réduits |
| 27 | | à investir les cages d'escalier, les caves ou les parkings. Les adultes qui travaillent et |
| 28 | | rentrent épuisés, les personnes âgées ou les malades qui cherchent le repos et la |
| 29 | | tranquillité ne le supportent pas. |
4 | 30 | | Vous n'aurez pas ce genre de problèmes à Neuilly-sur-Seine ou dans le seizième |
| 31 | | arrondissement de Paris. Vous les trouvez dans les banlieues où l'on a rejeté ceux qui |
| 32 | | n'ont pas les moyens d'habiter en centre-ville. |
5 | 33 | | Ne no us étonnons pas si la question du bruit est si sensible dans l'opinion et |
| 34 | | déchaîne tant de passion et de violence. Les bruits sur le lieu de travail, les bruits liés au |
| 35 | | logement, au quartier, les bruits dus aux moyens de transport, qui s'accumulent dans la |
| 36 | | journée et la nuit d'une même personne, témoignent d'inégalités sociales qu'ils |
| 37 | | contribuent à renforcer. |
6 | 38 | | Faire prendre en compte ce problème par la collectivité nationale, au même titre |
| 39 | | par exemple que les économies d'énergie, demeure une oeuvre de salubrité publique et de |
| 40 | | justice sociale, à laquelle un gouvernement de gauche ne peut être indifférent. |