1 | 1 | | Quelles sont les difficultés rencontrées par les bacheliers, les étudiants et les |
| 2 | | diplômés des grandes écoles à leur entrée dans le monde du travail? Prenons l'exemple |
| 3 | | de ces étudiants candidats à un poste de vendeur chez Thomson. Ayant tous suivit au |
| 4 | | moins quatre années d'études après le bac et diplômés pour la plu part de grandes écoles |
| 5 | | de gestion, beaucoup se présentent pour la première fois devant un employeur. |
2 | 6 | | «On nous lâche dans la nature sans aucune préparation. A nous de comprendre |
| 7 | | seuls comment se battre!», explique Luc, diplômé d'une école supérieure de commerce. |
| 8 | | «Le monde dans lequel nous entrons, résume Catherine, également diplômée en |
| 9 | | commerce, c'est un peu "Dallas" : on nous demande dès la sortie de l'école d'être |
| 10 | | directement opérationnels et d'atteindre le rendement maximal en quelques semaines. |
| 11 | | Sinon, c'est la porte.» «Ces jeunes représentent le "haut du panier", explique M. Denis |
| 12 | | Roche, responsable pour l'emploi à Alcatel-Telic, mais ils ne sont pas pour autant |
| 13 | | directement rentables.» Le mot est lâché: rentabilité. Les jeunes diplômés l'acceptent |
| 14 | | mais à la condition qu'on utilise véritablement leurs capacités. «Il faut rentrer dans un |
| 15 | | moule, dit Luc, il faut "rendre" le plus possible et il faut se taire. Après des années |
| 16 | | d'études supérieures on ne nous utilise qu'à 10% de nos capacités réelles.» Une opinion |
| 17 | | que partage M. Jean Prevel, directeur adjoint de l'agence pour l'emploi des cadres |
| 18 | | (APEC), qui détecte depuis dix-huit mois une propension croissante des entreprises à |
| 19 | | préférer la rentabilité immédiate à l'investissement à long terme. Qu'ils soient titulaires de |
| 20 | | diplômes de l'enseignement supérieur ou d'un simple CAP1, la grande majorité des |
| 21 | | jeunes acceptent d'autant mieux les difficultés inhérentes à la recherche d'un emploi |
| 22 | | qu'elles débouchent sur une profession stable. Pourtant, l'entrée effective dans le monde |
| 23 | | du travail est , à bien des égards, décevante. |
3 | 24 | | Avec une volonté qui n'a d'égale que la vigueur avec laquelle il l'exprime, M. |
| 25 | | Séguin part en guerre contre le chômage des jeunes. Reprenant et modifiant un certain |
| 26 | | nombre de mesures, dont les formations en alternance mises en place sous le |
| 27 | | gouvernement précédent, le «ministre du chômage», comme il en revendique le titre , |
| 28 | | exonère, notamment, à 25%, 50%, voire 100% des charges sociales, les entreprises qui |
| 29 | | recrutent des jeunes. Ainsi , entre les mois de mai et de décembre 1986, le plan d'emploi |
| 30 | | des jeunes a bénéficié à 836.697 personnes. «Dans ces conditions, déclare le ministre , qui |
| 31 | | peut se permettre d'ironiser sur notre volonté de nous battre contre le chômage?» |
| 32 | | Personne sans doute, et certainement pas les entreprises qui , loin d'«ironiser », ont |
| 33 | | largement usé des mesures proposées. Et abusé. |
4 | 34 | | Il reste un autre problème a résoudre: «Maintenant, ils demandent le bac pour |
| 35 | | passer le bal ail», s'exclame Philippe, jeune rural sans qualification de la région de |
| 36 | | Saint-Dié . Les stages d'insertion et de qualification, formules initialement destinées aux |
| 37 | | jeunes les plus démunis, sont attribués aux plus qualifiés, qui se plaignent d'être affectés |
| 38 | | à des tâches en dessous de leurs capacités. |
5 | 39 | | «Ce mouvement, s'il se poursuivait, déclarait dès 1985 M. Bertrand Schwartz de la |
| 40 | | délégation interministérielle, aboutirait à ôter à 500 000 jeunes de faible qualification |
| 41 | | toute chance de trou ver un travail. A terme, cette situation amènerait la France à une |
| 42 | | société duale, avec tous les risques que cela comporte.» |