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Une série télévisée américaine pour apprendre le français

Une série télévisée américaine pour apprendre le français

11    Lui est américain, elle est française. lis se sont rencontrés et se sont aimés. Ça
2 pourrait s'appeler «Love Story au pays de Racine» ou «Comment les Américains
3 peuvent apprendre le français par un feuilleton télévisé». En cinquante-deux épisodes
4 d'une demi-heure chacun, ils sauront tout des mésaventures des deux jeunes amoureux et
5 ils auront acquis, dis ent les initiateurs du projet, une véritable connaissance du français,
6 qui, à l'instar des autres langues étrangères, n'est guère à l'honneur outre-Atlantique,
27    Ce projet d'enseignement télévisé a été mis au point par deux enseignants, Pierre
8 Capretz, un Français de l'université Yale, et Barry Lydgate, du Wellesley College, en
9 collaboration avec Don Foresta, du Centre culturel américain de Paris. Tout a commencé
10 il y a vingt ans à Yale, où Pierre Capretz, abandonnant les méthodes traditionnelles, a
311    appliqué à l'enseignement du français une «pédagogie concrète». Pédagogie qui repose
12 sur le fait que «le sens d'un mot, c'est la somme des situations dans lesquelles ce mot peut
13 être utilisé».
414    Les progrès de l'audiovisuel aidant et sa méthode s'y adaptant particulièrement
15 bien, Pierre Capretz a soumis son projet à une fondation américaine chargée de
16 sélectionner et de subventionner les meilleurs projets éducatifs utilisant les médias. Une
17 idée séduisante: 26 heures de programme, dont 6 heures «d'histoire d'amour»
18 complétées par 20 heures de matériel pédagogique qui vient préciser et élucider les
19 éléments du feuilleton.
520    Pierre Capretz, Barry Lydgate et Don Foresta ont vu grand: pas moins de 8000
21 "documents des archives françaises - extraits de films, d'émissions de télévision, photos,
22 dessins humoristiques, tableaux, affiches - seront utilisés pour réaliser cette «mise en
23 situation» des mots tout en donnant aux Américains la possibilité d'apprendre les délices
24 de notre langue en s'imprégnant de notre culture et de notre civilisation. Grâce à une
25 subvention de 2,4 millions de dollars la diffusion sur la chaîne publique PBS est assurée
26 pour la fin 1984. Si tout se passe bien.
627    Si les Japonais, les pays du Proche-Orient ou d'Amérique latine veulent acheter une
28 série télévisée d'enseignement du français, la France pourra toujours répondre qu'il en
29 existe une très bonne ... aux Etats-Unis.
730    Reste une question : pourquoi la France ne dispose-t-elle pas d'une série de
31 l'enseignement du français compétitive à l'exportation? Les sociétés de télévision n'ont
32 pas montré beaucoup d'intérêt jusqu'à présent pour ce genre d'émission. Pourtant, ce
33 type de série, avec tous ses produits dérivés (livres, vidéocassettes, etc.), s'est révélé très
34 lucratif pour la BBC et la télévision allemande, qui ont coproduit en 1977 une méthode
35 d'anglais (Follow me) dont le succès est mondial.
836    En 1980, le Conseil de l'Europe avait lancé un appel d'offres pour la production
37 d'une série télévisée de l'enseignement du français comme langue étrangère. Une
38 première négociation, en 1981 , avec les Anglais, a échoué en raison de divergences sur le
39 plan pédagogique, et un second projet de coproduction avec les Allemands en 1982 a
40 également échoué, pour des raisons financières cette fois.
941    Si le projet américain aboutit, les chaînes françaises auront payé cher le divorce
42 télévision-enseignement, faute d'avoir su saisir la balle au bond.

Catherine Herszberg dans «Le Monde », août 1984