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Les Français exigent un tourisme à la carte

Les Français exigent un tourisme à la carte

Une interview de Françoise Toulemonde, chargée d?études au Centre de communication avancée (CCA).

   Avec les premiers rayons du soleil, les salons de   c’est dans ma vie privée. On a à faire à des individus qui
vacances refleurissent aussi: salon des vacances envivent de plus en plus sur deux registres.Avec une vie
France, des thermalies, des loisirs de plein air, de lasociale et professionnelle «conforme» et une vie privée
randonnée et des sports nature. Le Salon mondial duoù ils [id:15960] prendre plus de risques.
tourisme, qui se tiendra du 27 mars au 1er avril à la   B.E. - Est-ce que la part du budget vacances a
Porte de Versailles, cherche à s’imposer comme lediminué?
grand salon généraliste des vacances. Comme chaque   F.T. - Globalement, elle est restée plutôt stable. Les
année en prélude à son ouverture, il a fait une enquêtegens sont prêts à [id:15961] s’ils sont motivés. On ne
sur [id:15956] des Français. Mais en s’attachant cette foiscipense pas qu’on est dans une ère totalement morose et
davantage aux comportements types de nospessimiste. En revanche, il faut que les professionnels
compatriotes qu’à leur durée de séjour, leur modessachent mieux cibler leur offre en fonction des
d’hébergement ou leurs destinations. 10 000 personnes,différentes demandes. Là où les gens sont prêts à
de 15 ans et plus, ont été ainsi interrogées par le CCA àsurinvestir, il faut que ces professionnels sachent
la fois sur leurs modes de vie, leurs attentes et leurs[id:15962]. Avec des services adéquats et de qualité. Il
motivations en matière de voyages vacances et defaut développer les formules à la carte avec des
tourisme.«options» comme dans l’univers automobile, exploiter
   Françoise Toulemonde, chargée d’études au CCA,la piste culturelle version classique ou plus exotique.
explique l’évolution des [id:15957] qu’on a pu dégager deQuand on voit [id:15963] des formules de séjour autour
cette enquête.de l’exposition Vermeer en Hollande, on se rend
   Brigitte Estrade - Selon vous, même si les indicateurscompte que ce type de séjours touche des gens
économiques repassent au vert et que l’emploinouveaux.
s’améliore, on ne consommera jamais plus de la même   B.E. - Vous privilégiez dans votre étude deux
manière?familles, les «nouveaux itinérants» et les «sélects». Qui
   Françoise Toulemonde - On voit de plus en plus desont-ils et que demandent-ils?
phénomènes d’arbitrage des consommations. Les gens   F.T. - Les «sélects» sont des consommateurs [id:15964]
réduisent le nombre de leurs postes budgétaires et enavec une situation professionnelle accomplie qui leur
privilégient quelques-uns. Mais en contrepartie despermet d’avoir du temps libre. Ils sont prêts à payer
sacrifices faits, ils deviennent de plus en plus [id:15958].plus en échange de services importants. Ce sont aussi
Quand on fait des coupes sombres dans certains postes,des «classiques» qui se dirigeront vers des pays
l’argent qu’on garde c’est pour se faire plaisir.Avec uneculturellement riches comme l’Europe de l’Est, l’Italie
idée de plaisir qui devient plus sélective. On ne dépenseou les pays méditerranéens. Les «nouveaux itinérants»
plus de l’argent à la légère, on s’investit dans ce qu’onsont plus jeunes, plus explorateurs, en quête de [id:15965].
décide de consommer. Et on part avec un alibi: pourHyperactifs et hyperadaptés professionnellement, ils
s’enrichir culturellement, pour faire du sport, ou seont une grande demande d’originalité dans leur vie
refaire une santé.privée, ils sont en quête de destinations comme le
   B.E. - Vous parlez d’une crise plus culturelleVietnam, l’Australie, le Guatemala. Pour eux, la culture,
qu’économique?c’est davantage la soif de communication avec l’autre.
   F.T. - Dans les années 70, les gens avaient laCôté sports, il leur faudra l’extrême ou le top du top.
possibilité de s’éclater dans leur travail et dans leursComme la dépose en hélicoptère pour faire du ski ou
vacances. On avait à faire à des consommateurs qui sel’endroit pointu en Floride réputé pour le ski nautique.
comportaient de la même façon dans les deux cas.Et peu importe qu’ils s’y rendent en charter. Les
Aujourd’hui, les gens expriment [id:15959] leurFrançais et leurs [id:15966], c’est un archipel avec plein de
personnalité dans leur travail. Avec les contraintespetites niches marketing à creuser.
d’emploi et le stress, il y a un phénomène
d’hyperadaptation professionnelle. Je ne rigole plus au
boulot, je me coule dans le moule et, si je veux rigoler,Brigitte Estrade, dans «Libération» du 22 mars
1996