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Les méduses auvergnates à l’assaut des plages

Les méduses auvergnates à l’assaut des plages

1    C’était le signal des vagabondages. Lorsqu’on    ayant adopté des tarifs de douane
 chaussait ces sandales en plastique excessifs sur les produits importés. Pour
 transparent, on savait que l’on avait désormais50 survivre, l’entreprise est obligée de tout
 quartier libre. Supposées nous protéger repenser et de partir à la conquête de la
5 contre tous les mauvais coups de la plage, France. Pour les marchés africains, elle
 elles constituaient l’aide indispensable pour mettait en avant le bas prix et la résistance de
 partir à l’assaut des rochers, du sable et des ses méduses. Pour le marché français, elle
 vagues.55 vante la sécurité et l’hygiène. Parallèlement,
2    Une soixantaine d’années après leur l’entreprise se lance dans les bottes, bottillons,
10 invention, les méduses, qui n’ont sabots de jardin, chaussures de sécurité
 trouvé ce nom que dans les années 80, en plastique pour ne plus dépendre que des
 sont toujours là. Elles ont pris des productions d’été. «La transition s’est faite en
 couleurs - rouge, bleu, jaune fluo -60 moins de deux ans», assure M. Paslier, «et
 se sont mis des paillettes, se sont malgré tout, les méduses restent le produit de
15 même parfumées. Mais pour l’essentiel base de l’entreprise.»
 elles n’ont pas changé et elles sont toujours6    A la fin des années 70, tout se gâte. Le
 fabriquées par la même entreprise familiale, 70 brevet6) de la méduse est tombé dans le
 Plastic Auvergne, dans un hameau perdu au coeur65 domaine public. Les copies abondent, particulièrement
 de l’Auvergne, en provenance du Sud-Est asiatique
20 Les Sarraix. et de l’Italie, à des prix extrêmement compétitifs.
3    C’est là que le coutelier Jean Dauphant C’est l’époque aussi où la troisième
 imagina en 1946 de fabriquer des manches de génération prend la direction de l’entreprise
 couteau en plastique plutôt qu’en corne, en70 familiale, et pense à des produits plus jeunes,
 bois ou en écaille. Comment eut-il l’idée, plus «mode», pour faire la différence avec la
25 avec ses fils, de faire des chaussures en plastique? concurrence. Les méduses, dont Plastic
 La nécessité sans doute. A la fin de la Auvergne est le leader européen, se sont
 guerre, on manque encore de nourriture, de mises aux couleurs, elles ont adopté des
 vêtements et aussi de chaussures, faute de75 petites fleurs au milieu du pied, et les bottines
 cuir. se sont faites vernies, écossaises ou imitation
430    Prenant une semelle de galoche4), les léopard: «des modèles qui plaisent beaucoup
 Dauphant remplacent le cuir par du plastique. au Japon.»
 Puis ils imaginent de fabriquer une chaussure 
 entièrement dans cette matière. Les essais se 
 révèlent positifs. Très vite, l’entreprise de 
35 coutellerie se transforme en fabricant de 
 chaussures. Avec un modèle unique: une 
 semelle faite en plastique dur et transparent 
 sur laquelle sont fixées des lanières5). Elle7    Aujourd’hui, l’entreprise emploie 300
 devient vite la sandale des congés payés et80 personnes et fabrique 80 modèles de chaussures
40 surtout celle de l’AOF (Afrique occidentale différents. Elle est le premier fabricant
 française). L’entreprise y réalise alors 80% de européen de la chaussure en plastique, et
 son chiffre d’affaires. «C’est l’Afrique qui a réalise 38% de son chiffre d’affaires à
 permis le développement de l’entreprise», l’étranger. Mais l’entreprise, strictement
 assure Marc Paslier, petit-fils du fondateur et85 familiale, reste très discrète sur ses résultats.
45 actuel président de la direction. 
5    La croissance s’arrête brutalement avec la «Le Nouvel Observateur»
 décolonisation, les nouveaux Etats indépendants

la galoche = de overschoen
la lanière = de riem, de band
le brevet = het octrooi, het patent