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Cette tribu a inventé le langage du bonheur

Dan Everett, un anthropologue américain, a passé sept ans auprès des Pirahãs, un peuple isolé au coeur de la forêt amazonienne.



1    «En 1977, je suis allé vivre chez    deux Pirahãs désirent former un
 les Pirahãs. Je devais transformer couple, ils s’éclipsent quelques jours
 leurs coeurs, les convaincre d’adorer dans la forêt, à l’issue desquels la
 le dieu auquel je croyais.» Dan50 tribu les reconnaît comme couple
5 Everett est un anthropologue américain. «légitime». Et s’ils décident de
 A 26 ans, il est parti dans une changer de conjoint, ils y retournent
 petite tribu d’Indiens perdue en Amazonie, avec un nouveau partenaire. Autre
 avec l’idée de la convertir au caractéristique, la tribu est une
 christianisme. Contre toute attente,55 société de partage. La nourriture est
10 le missionnaire est si séduit par la distribuée à l’ensemble des membres,
 philosophie de vie des Pirahãs qu’il et tout le monde prend soin des personnes
 abandonne sa foi et sa mission pour âgées ou handicapées.»
 se consacrer à l’étude de cette société.4    Pour trouver la clé de ce mode de
 «Je n’avais jamais vu des gens con1560 vie, Dan Everett s’est intéressé à leur
15 frontés à tant de difficultés, et vivant langue. Car de cet extraordinaire
 avec une telle grâce, dans un tel état environnement amazonien est né un
 de bonheur!», explique-t-il dans Le langage fait de chants, de sifflements
 monde ignoré des Indiens pirahãs, et de murmures. Cette langue, jamais
 un livre où il raconte son aventure.65 écrite, et dont on ignore l’origine, est
220    Pourtant, installés le long du unique au monde. Elle ne connaît que
 fleuve Maici, au coeur de l’Amazonie, le temps présent: il n’existe ni temps
 les 400 derniers Pirahãs vivent complètement passé, ni futur. Les Pirahãs ne croient
 isolés. Ils vivent exclusivement qu’en ce qu’ils voient: seul ce qui
 de la pêche, la chasse, la cueil2570 advient est vrai! Par exemple, le mot
25 lette des fruits et des noix. Ce peuple, «demain» est absent, remplacé par
 dont on mentionne la découverte dès «pas maintenant». Selon Dan
 1784, est l’une des rares ethnies du Everett, l’immédiateté de l’expérience
 monde à avoir résisté à la colonisation, vécue des Pirahãs n’exige d’eux
 puis à l’attrait de la modernité.75 aucune projection dans le passé ni
30 Refusant de travailler pour des personnes dans le futur, ce qui les met à l’abri
 extérieures à la tribu et peu de toute frustration et tout regret, et
 motivés par l’acquisition de biens fait d’eux «le peuple le plus heureux
 matériels, les Pirahãs ont préservé du monde».
 leur culture et leurs valeurs, en dépit580    Aujourd’hui, l’ex-missionnaire
35 de contacts réguliers avec des travaille comme expert international
 missionnaires, des marchands, voire de la langue pirahã à l’université de
 des trafiquants. Bentley (Etats-Unis). Il avoue combien
3    En vivant avec eux, Dan Everett sa rencontre avec ce peuple l’a
 est frappé par leur mode de vie très85 [id:96221] : «La vie chez les Pirahãs a
40 libre. «Ils ne travaillent pas plus que changé profondément ma façon de
 ne l’exigent leurs besoins immédiats penser: ils m’ont appris à être
 et passent le reste de leur temps à heureux en toutes circonstances.»
 s’amuser, discuter, et profiter de Une vision quelque peu idéalisée qui
 leurs journées», explique-t-il. «Sans90 rappelle le mythe du bon sauvage.
45 hiérarchie ni rites, cette société ne 
 célèbre pas les mariages: lorsque Ça m’intéresse, août 2012