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Pourquoi lire les classiques?

Pourquoi lire les classiques?



1    Les classiques, ces auteurs qu’on    notre imaginaire. Elle unit le groupe
 étudie «en classe», font peur, parce social, qui se consolide tout autant à
 qu’ils rappellent l’école et trop sou- partir des événements de l’histoire
 vent l’ennui. Ils sont pourtant fonda- qu’à travers ces vieilles histoires
5 mentaux. Il y a plusieurs raisons pour60 fictives.
 lesquelles nous devrions lire et relire4    C’est pour ces raisons que des
 Molière, Hugo, Shakespeare, extraits de l’Iliade et de l’Odyssée
 Homère et Cervantès. sont également au programme du
2    Lorsqu’un tyran veut dominer tout collège: il s’agit de «préparer les
10 un pays, son premier geste est65 élèves à partager une culture euro-
 toujours le même: il détruit la péenne par une connaissance des
 littérature de ce pays qu’il voudrait textes majeurs de l’Antiquité».
 analphabète et sans passé. Il sait Homère, Molière, mais aussi le Petit
 que l’imaginaire forge l’identité d’un Prince et Vendredi ou la vie sauvage:
15 peuple. Par conséquent, ce sont les70 les classiques sont devenus les
 oeuvres de fiction qui attirent sa mythes de nos sociétés. Ils facilitent
 colère. Ainsi, la célèbre bibliothèque la compréhension d’autres oeuvres
 d’Alexandrie ne fut pas incendiée littéraires, musicales, plastiques,
 qu’une fois: on ne compte pas moins cinématographiques. Loin d’être
20 de six destructions non accidentelles.75 surannés, ils enrichissent par consé-
 La bibliothèque de Bagdad, qui fut quent le présent et colorent l’avenir.
 pendant des siècles le centre Disons que quelqu’un qui ne sait pas
 intellectuel du Proche-Orient, connut définir les mots «don Juan» ou «un
 le même désastre: dirigée par des cheval de Troie» vit condamné dans
25 chiites, elle fut incendiée par les80 son époque, il est comme au bord du
 sunnites lorsqu’ils prirent le pouvoir groupe et bientôt hors du groupe, car
 au XIe siècle, puis ravagée au XVIIIe le groupe inévitablement se sépare
 siècle par les Mongols… de lui.
3    Rien n’effraie davantage un tyran5    Il faut le dire franchement: au-
30 qu’une oeuvre ancienne: il sait qu’il85 delà du plaisir, lire les classiques est
 doit gommer les fictions du passé un acte politique: c’est s’opposer au
 afin que rien ne concurrence sa tyran. C’est refuser que certains
 présence dans le réel. On dira que soient écartés du groupe. Surtout, la
 c’est [id:96142] le pouvoir des livres, et lecture des classiques permet, après
35 qu’en plus les classiques sont rare-90 avoir créé un socle commun de
 ment lus par tout un peuple. Mais ce références, de fuir la propagande du
 serait méconnaître le pouvoir de groupe social – qui parfois vaut bien
 pénétration des grandes oeuvres celle du tyran. Cette lecture est aussi
 dans l’inconscient d’une nation. Tous nécessaire à notre intelligence, pour
40 les Espagnols n’ont pas lu95 ne pas être pris au piège d’un
 Cervantès, tous les Allemands n’ont présent bien trop présent. Lorsque le
 pas lu Goethe, mais ces auteurs du groupe social est très fier de lui, si
 passé ont tout à voir avec le présent sûr de ses valeurs, si persuadé de
 de leurs pays. Chaque jour qui son éternité, la lecture des
45 passe, ils modèlent les esprits plus100 classiques permet de rire de cette
 fortement que mille décrets sur assurance et fournit les éléments
 l’identité espagnole ou allemande. En pour le contredire. Lisez Tristan et
 France même, il est obligatoire, Iseut, et vous comprendrez que
 pendant les deux premières années même l’amour fou, qu’on présente
50 du collège, d’étudier quelques fables105 parfois comme le souverain bien, est
 de La Fontaine, et au moins deux une simple invention des poètes du
 pièces de Molière. Cette obligation XIIe siècle.
 contribue, par la célébration du génie 
 de la langue, à la construction de nos Marianne, octobre 2010
55 mentalités et à l’épanouissement de