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Faut-il supprimer le bac, oui ou non?

Faut-il supprimer le bac, oui ou non?


1    Deux cents ans. Un âge canonique.   60 prétendu sésame, ce passeport auto-
 Notre bon vieux baccalauréat fête cette matique pour la fac, est une mystific-
 année son bicentenaire. Une éternité. ation. Pis: les bons et les moins bons
 Mais ce diplôme créé par Napoléon au élèves se retrouvent ensemble. Et
5 début du 19e siècle, est-il encore logiquement le niveau de la fac baisse
 vraiment utile? Chaque année, il65 lui aussi.»
 resurgit avec ses figures imposées:6    Autre reproche fait au bac. Il coûte
 révisions express, grand-messe des trop cher. Il faut payer 100 000 cor-
 épreuves, attente fiévreuse des recteurs, des bataillons de profs qui
10 résultats… Et tous les ans, en juin, les élaborent 4 000 sujets différents. Coût
 parents tremblent sous l’angoisse. Les70 total de l’organisation de l’examen:
 candidats aussi. Encore convaincus entre 200 et 280 millions d’euros. Sans
 qu’ils jouent là leur avenir. «Passe ton oublier l’impact sur les emplois du
 bac d’abord»: le titre du film de temps. En période d’examen, les lycées
15 Maurice Pialat, sorti en 1978, ne font plus cours. Le bac, grand
 représente toujours le dogme parental75 perturbateur? Pour les agendas, mais
 absolu. Hors le bac, pas de salut! aussi pour la pédagogie. Depuis la
2    Or, depuis quelques années, la classe de sixième, tout tourne autour
 réputation du bac bat de l’aile. L’exa- du bac. Au lieu de prendre le temps de
20 men phare de l’Hexagone n’est plus, bien préparer l’orientation des élèves,
 pour certains, qu’un vulgaire bout de80 de développer leur imagination, leur
 papier. Premier grief: le bac est de réflexion, leur autonomie, on préfère
 moins en moins sélectif. Pendant plus bachoter pour préparer des épreuves
 d’un siècle, les bacheliers n’étaient écrites. A partir de la classe de
25 qu’une poignée de privilégiés, l’élite de seconde, «l’obsession bac» grandit.
 l’élite de notre pays: moins de 3% de85 Tout ce qui n’est pas utile à la réussite
 reçus en 1936. Soixante-dix ans plus dans les matières imposées à l’examen
 tard, en 2007, ils sont 83,3%. Chiffre devient une perte de temps.
 record. Faut-il voir là une grande7    Surprise: les lycéens dans leur
30 victoire de l’Education nationale? Les grande majorité, ne veulent pas qu’on
 élèves d’il y a quelques ans seraient-ils90 déboulonne la statue. Le diplôme est à
 miraculeusement devenus des cracks? l’école ce que la tour Eiffel est à Paris.
 Ou bien le niveau exigé aujourd’hui ne Touche pas à mon bac. «Avec lui, on ne
 cesse-t-il de baisser? va peut-être pas loin, admet Florian,
335    Il y a sans doute un peu de toutes élève de terminale S à Paris. Mais sans
 ces raisons. Il y a aussi un autre motif,95 lui on ne va nulle part.» Lauriane, une
 plus officiel: le nombre de bacheliers élève de troisième à Evry, elle, y voit
 correspond tout bonnement à une poli- «la fin d’un cycle et le début d’un
 tique de quotas. C’est-à-dire que le autre». Une épreuve initiatique qui
40 ministère fixe l’objectif de 80% de marque l’entrée dans la vie adulte. Le
 reçus. Pour y réussir, les correcteurs100 bac permet à toute une génération de
 sont invités à de petits accommode- vivre une expérience collective. Les
 ments pour relever de quelques points profs eux aussi en ont besoin. Selon
 les notes sur les copies. eux, il est le dernier rempart contre
445    Alors, à quoi sert le bac? Le bac, l’inégalité. «Si le bac disparaît, la
 simple ticket d’entrée à l’université?105 valeur des élèves ne dépendra plus que
 Pas pour tout le monde en tout cas. de la réputation du lycée d’où ils
 Dans les milieux modestes, il est viennent. Et cela on n’en veut pas.»
 encore perçu comme un passeport8    Alors comment toucher à l’insti-
50 permettant de sortir de son quartier, tution, malgré tant de défauts? Simpli-
 de sa ville, voire du département.110 fier l’examen? Ou bien le remplacer
5    En fait, le grand reproche des anti- par un certificat de fin d’études, délivré
 bac vient de loin. Des années 1980. par chaque établissement au vu des
 Quand la gauche rêvait d’un bac pour notes de l’année? Une vraie révolution.
55 tous. Conséquence: on a laissé l’uni- Les lycées désormais seuls maîtres à
 versité accueillir des milliers d’étudiants115 bord? L’idée fait encore peur. En tout
 trop faibles. Douloureux constat: En cas, supprimer le bac serait une formi-
 France, 60% des étudiants échouent en dable économie pour le ministère de
 première année à l’université. «Le l’Education nationale.