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Le bonheur, un pied devant l’autre

Le bonheur, un pied devant l’autre

Pour se retrouver, pour fuir le stress des villes ou se refaire une santé, les Français sont
de plus en plus nombreux à pratiquer la randonnée pédestre. Avec 180 000 kilomètres
de sentiers balisés, ils ont de quoi faire.

   torrents où l’on met ses pieds quand il
fait chaud. Quand je ne peux pas
randonner plusieurs semaines de suite,
je [id:38774] .»
   Accro? Tout juste: au bout de
quelques heures d’effort, le cerveau
produit des endorphines, ces hormones
du plaisir, cousines de la morphine.
Giono1) avait raison : «Les hommes, auQuand, en plus, on se trouve dans un
fond, ça n’a pas été fait pour s’engrais-paysage sublime et qu’on est fatigué
ser à l’auge, mais pour maigrir dans lespar l’ascension, on ressent [id:38775] : on
chemins, traverser des arbres et dessemble planer.
arbres, sans revoir les mêmes arbres.»   Pour l’anthropologue et sociologue
(Que ma joie demeure). En effet, lesDavid Le Breton, le plaisir de nos
hommes ça n’a pas été fait pour restercontemporains pour la randonnée
assis du matin au soir. Beaucoupprendrait sa source dans le besoin de
d’entre eux l’ignorent, mais les hom-[id:38776] son corps: «Nous vivons de plus
mes - au fond - ne sont jamais aussien plus assis. Dans la vie quotidienne,
[id:38771] que lorsqu’ils marchent.notre corps est passif, il nous gêne. Il
   La randonnée, hier encore réservéedevient presque superflu. Ainsi, il se
à quelques milliers de promeneursretourne contre nous et devient
fanatiques, enthousiasme les Français.pénible. Alors on va marcher, pour
[id:38772] ils sont chaque année plus nom-renouer avec nos muscles et le monde,
breux à rejoindre les chemins de tra-pour éprouver des sensations physi-
verse. Plus pratiquée que le tennis, leques, cette «bonne» fatigue qu’on
foot ou la pétanque, elle gagne davan-oppose à l’épuisement dû au stress. Et
tage d’adeptes. Témoins de cet engou-on prend le temps, au lieu que ce soit
ement pour la marche, les fabricants dele temps qui nous prenne.»
matériel enregistrent des hausses spec-   La marche au long cours, Marie-
taculaires de leurs ventes.Paule et Jean-Noël Ménillère s’y sont
   Les gens préfèrent les promenades,aventurés il y a trois ans, quand ils se
le tourisme vert, au lieu de poser leurssont lancés sur le chemin de Saint-
fesses sur une plage. Pas question de seJacques de Compostelle. De Saint-
faire violence: on flâne plus qu’on neJean-Pied-de-Port à Saint-Jacques, ce
s’efforce, on fait porter ses bagagescouple de professeurs normands a
d’un hôtel à l’autre pour randonnerparcouru plus de 800 kilomètres à pied
sans trop [id:38773] . Les professionnels duen cinq semaines. «On ne va pas à
tourisme rivalisent d’imagination pourCompostelle comme on fait une ran-
proposer à leurs clients des baladesdonnée, précise Jean-Noël. C’était une
ludiques, culturelles, ou même gastro-expérience [id:38777] : la marche permet
nomiques.des retrouvailles avec soi-même, dans
   Pour la plupart des randonneurs,la complicité historique des gens qui
«marcher, c’est comme une drogue,ont imprimé leurs pas dans les mêmes
sauf que ça ne fait pas de mal», ditsentiers depuis des siècles. En mar-
Véronique Demichelle, qui sillonne leschant, on se débarrasse de sa souf-
sentiers de France depuis près d’unfrance, on fait le point sur sa vie, on
demi-siècle. «Je me shoote auxdécouvre ce dont on a vraiment envie.
paysages, à l’air pur, aux buissons deEt besoin.»
thym et de lavande, à l’eau glacée des
 
noot 1 Giono (Jean): écrivain français (1895-1970)