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Le sexe des sciences

Le sexe des sciences

Sur 441 prix Nobel scientifiques, onze seulement ont été attribués à des femmes. En physique par
exemple, les deux seules lauréates ont été Marie Curie et Maria Goeppert-Mayer. Si le blocage
des femmes en politique est étonnant en Europe, leur quasi-absence de certaines filières est, quant
à elle, stupéfiante? Pourquoi ce désamour entre filles et sciences dures?


Lorsqu’on demande aux parents les facteurs   se voient fréquemment interrompues. Le professeur
qu’ils estiment les plus importants pour lea tendance à féliciter les filles pour leur bonne
bonheur futur de leur enfant, ils répondent pourconduite ou la propreté de leurs copies ; les garçons,
leur fils : réussite matérielle (métier, argent), à égalitépour [id:15524].
avec bonheur domestique, alors que, pour leur
fille, ils investissent le bonheur familial d’un poids
trois fois plus important que la réussite professionnelle.
Cela dit, [id:15518] se fait jour. « Il y a dix ans, on
conseillait aux jeunes filles de travailler pour leur
épanouissement personnel. Ce n’est plus du tout le
cas, explique Mme Suzanne Tréreffe, psychologue,
conseillère d’orientation et attachée au Centre
d’orientation et d’examens psychologiques (Corep).
Depuis deux ou trois ans, les parents prennent
conscience qu’un seul salaire [id:15519] dans un
couple, et que le travail de l’épouse devient de plus
en plus indispensable. Il est donc hors de question,
dans leur esprit, que leur fille ne fasse pas d’études
et qu’elle puisse envisager de ne pas travailler. Mais
les sciences dures, comme les maths et la physique,
continuent d’être perçues comme des disciplines
sèches. A cause de cela, il y a toujours, surtout
de la part des mères, une certaine [id:15520]
pousser les filles dans cette direction, alors que les
pères, eux, y seraient plus favorables, surtout s’ils
ont eux-mêmes fait des études scientifiques. »
Même conditionnement à l’école, où pourtant la
majorité du corps enseignant est convaincue que ceEn règle générale, la pédagogie des sciences
milieu est par essence un milieu neutre, rigoureusement« dures » est [id:15525] par la majorité des chercheurs,
égalitaire. Si l’école donne des mathématiquesqu’ils soient français ou étrangers. L’impact
une image fortement sexuée, les professeurssocial et culturel de ces disciplines est trop rarement
[id:15521] la plupart du temps. Pour Mme Gwenolamentionné, déplorent-ils, et, du coup, les filles
Madec, enseignante, « les professeurs, hommes ousont peu motivées. Ils regrettent qu’on insiste tant
femmes, sous-estiment l’identité sexuelle dessur les qualités de compétition, de rigueur, de logique,
élèves et ne valorisent pas certains comportementssupposées aller de pair avec les sciences.
des filles. Les pédagogies classiques sont trèsUne image inexacte, estiment-ils, car les mathématiques
nuisibles pour elles. Jusqu’à la troisième, les filleségalement intuition, imagination,
ont la même prise de parole, mais ensuite elles sont[id:15526] oire esthétisme. « L’école n’explique pas aux
moins présentes et revendiquent moins leurs idées.enfants ce que sont les sciences, à quoi elles
Elles développent [id:15522] leur personnalité enmènent. On les présente de façon dure, abstraite, je
travail de groupe concret - contexte dans lequeldirais même repoussante », estime Mme Christine
elles s’autorisent un comportement indépendant -Bénard, directrice de la recherche et des études
que dans la classe entière ».scientifiques à l’Ecole normale supérieure. « Les
Dans la conduite de la classe, enseignants et enseignantesimages qui y sont associées, celles des avions ou
recourent fréquemment aux oppositionsdes fusées, par exemple, sont masculines dans
entre filles et garçons, et les comportements destoute leur horreur. Il est difficile de faire rêver les
unes et des autres sont « attendus » en fonction dufilles, dans ces conditions ! On oublie de dire que
sexe. [id:15523] le professeur de sciences va consacrer[id:15527] du bleu de la couleur du ciel, ou du vert des
davantage de temps aux garçons, de l’ordre dearbres, c’est aussi du ressort des sciences ! »
20%. Manuels et problèmes se réfèrent fréquemment
aux centres d’intérêt masculins. Les filles sontExtrait d’un article d’Ingrid Carlander, dans
moins souvent intérrogées, et, si elles le sont, elles« Le Monde Diplomatique », juin 1997