Background image

terug

Hôtes du Nord

Hôtes du Nord

De notre envoyé spécial

1    On les surnomme les «Phares du Nord». Depuis    l’incontesté Hugo Claus, plus idolâtré à Anvers
 dix ans, ils ne cessent de lancer des signaux au qu’une rock star. De l’autre, les Pays-Bas, leurs 16
 monde entier. Et, après avoir brillé à Francfort, à50 millions d’habitants, leurs éditeurs littéraires, leurs
 Londres ou à Madrid, voici que les auteurs librairies, leur nouvelle génération d’auteurs venus
5 flamands et néerlandais débarquent à près de 60 - des quatre coins de la planète et leurs lecteurs
 du jamais-vu! - au Salon du livre de Paris, espé- fervents. «En matière de fiction, tout se passe là-
 rant convaincre le public français qu’ils ont bas. Même Claus est publié à Amsterdam»,
 beaucoup à dire. Et surtout à écrire.55 admettent les Flamands.
2    Une langue commune les unit - le néerlandais5    Aux Pays-Bas et en Flandre on résiste plutôt
10 - parlée par 22 millions de personnes, mais une bien à la machine anglosaxonne. C’est que du
 frontière les sépare. Aussi, ces Phares du Nord, roman scientifique au thriller, en passant par la
 encerclés par d’encombrants voisins, ont long- poésie, la fresque historique ou sentimentale, les
 temps eu du mal à percer le brouillard de la scène60 auteurs locaux couvrent toute la gamme, et
 littéraire. Et si des géants comme Hugo Claus ou représentent encore chez eux plus de la moitié des
15 Cees Nooteboom ont su tailler seuls leur route, les ventes de livres. Avec des scores élevés pour de si
 autres avaient du mal à exister hors de leurs «petits pays». Ainsi, un auteur difficile comme
 polders ou de leur «plat pays». Harry Mulisch a vendu 350 000 exemplaires de La
3    Le déclic a eu lieu au début des années 1990, et65 découverte du ciel rien qu’aux Pays-Bas; Les
 en particulier en 1993, à Francfort, lorsque les dunes coloniales, d’Adriaan van Dis, a, lui, franchi
20 deux frères plus ou moins ennemis, invités le cap des 400 000. Il est rare par ailleurs qu’un
 d’honneur de la plus grande foire mondiale du livre de Nooteboom, de Claus ou de Haasse stagne
 livre, ont décidé d’unir leurs forces dans une au-dessous des 100 000 exemplaires. A côté,
 association commune - SFB 933) - qui a fait70 Houellebecq, l’un des rares Français qui marchent
 merveille. Les professionnels internationaux ont là-bas, finirait par faire pitié, avec ses 60 000
25 découvert la richesse d’auteurs variés, inventifs, exemplaires vendus en traduction néerlandaise.
 cosmopolites. Et, aidés par des subventions, se6     Est-ce à dire que, au Nord, on s’intéresserait
 sont mis à traduire à tour de bras et à promouvoir plus à la littérature qu’à la bière et aux tulipes?
 ces nouvelles têtes. En dix ans, la publication75 Tout de même pas! En Flandre, le lectorat reste
 d’auteurs néerlandophones a été multipliée par limité, au point qu’il n’existe, à Anvers, aucune
30 trois. Ont alors surgi - même si leurs tirages grande librairie indépendante digne de ce nom.
 restent modestes dans l’Hexagone - les noms de Quant aux Pays-Bas, où la vie littéraire est en
 Margriet de Moor, de Leon de Winter, d’Anna revanche animée, on déplore toujours de n’avoir
 Enquist, de Connie Palmen, tandis que quelques80 aucun programme consacré aux livres à la
 grands déjà un peu connus, comme Adriaan van télévision. «Le combat est le même ici qu’ailleurs,
35 Dis, Hella S. Haasse, Cees Nooteboom ou Harry regrette Gustav Schut, l’un des bons libraires
 Mulisch, confirmaient leur assise, leur talent. Et d’Amsterdam. Nous devons lutter contre la
 leur notoriété. concentration, les attaques contre le prix unique, le
4    Un succès qui explique pourquoi, aujourd’hui,85 recul de la lecture chez les jeunes et la poussée de
 SFB 93 est sur le point d’être dissoute. La Flandre la world fiction». De son côté, G.A. van Oorschot,
40 et les Pays-Bas n’ont plus besoin qu’on les l’un des éditeurs néerlandais les plus exigeants, ne
 découvre, d’autant que chacun d’eux entretient jurerait pas que toutes ces nouvelles têtes qui
 soigneusement ses propres structures de promotion vendent feront forcément date dans l’histoire de la
 et d’aide à la traduction. Et si une langue les lie,90 littérature. Mais Hugo Claus - un peu cynique -
 c’est bien tout ce que ces écrivains se sentent avoir n’explique-t-il pas que, pour pousser, une rose a
45 en commun! D’un côté, la Flandre, avec ses 6 besoin d’humus?•
 millions de néerlandophones, ses éditeurs spécia- 
 lisés dans le beau livre, la jeunesse, la BD et Olivier Le Naire, dans «L’Express»

SFB 93: Stichting Frankfurter Buchmesse, opgericht in 1993