Background image

terug

Ces gamins qui font trembler la nouvelle économie

Ces gamins qui font trembler la nouvelle économie

Mafiaboy. Retenez bien ce nom. Du haut
de ses 15 ans, ce gamin canadien aurait bloqué
pendant plusieurs heures l'accès aux sites des
Yahoo!, eBay, Amazon et aussi CNN.com! Plus
fort que David terrassant Goliath avec un
lance-pierre, Mafiaboy a noyé les champions de
la nouvelle économie en utilisant la méthode du
flooding, qui consiste à remplir un ordinateur
en le submergeant de demandes de connexions,
et ce grâce à des programmes que l'on trouve
facilement sur le réseau.
Mafiaboy a été arrêté le 15 mars. Il
devrait recevoir une bonne correction pour
avoir mis le FBI sur les dents. Première [id:3960]:
le voyou sera privé d'ordinateur pendant des
mois, voire des années. Vu son jeune âge, il
échappera peut-être à la prison.
En attendant son procès, Mafiaboy est
retourné à l'école. Son arrestation est survenue
quelques jours après celle d'un pirate britannique
de 18 ans, suspecté d'avoir utilisé en
ligne illégalement des milliers de codes de
cartes de crédit… dont celui, dit-il, de Bill
Gates, le patron de Microsoft! Décidément, les
pirates n'arrêtent pas de faire parler d'eux.
[id:3961], leurs aînés ne les prennent pas vraiment
au sérieux. «Les attaques contre Yahoo! et
autres ne m'impressionnent pas, elles consistent
à utiliser ce qui existe, dit Marc, un
Toulousain de 20 ans. Un hacker est quelqu'un
de créatif, qui sait programmer et découvrir
des failles. En France, nous devons être une
cinquantaine, pas davantage.»
Marc tient au terme hacker, qui désigne
le «bon» pirate. Pas le cracker (casseur).
Hacker et cracker sont tels Abel et Caïn. Des
frères ennemis. «Les hackers construisent des
choses, les crackers les cassent».
Pourtant, [id:3962] est parfois subtile.
Car la raison de vivre du hacker est de
se moquer de l'interdit.
Inconscient du danger, Marc a
piraté un site pour la première fois il y
a trois ans en découvrant, presque par
hasard, une faille dans le système d'une célèbre
communauté virtuelle. «Au début,
je signais mes "visites" et je
laissais des phrases philosophiques idiotes sur
les pages des sites. Depuis, j'ai mûri.» [id:3963]
est le péché mignon des pirates. Et leurs noms
ressemblent souvent à ceux des héros ou des
vilains de bandes dessinées: Mixter, Acid
Phreak, Analyser…
Pour s'amuser, Marc a pénétré le réseau
de l'Assemblée nationale par le biais de son
site web. Sans faire de dégâts. Et pour perfectionner
son «art», il sait où placer son
curseur: «On va souvent tester la sécurité des
sites porno. C'est [id:3964], car ce sont toujours
de grandes performances du point de vue tech-
nologique. »
Contrairement aux idées reçues, les sites
des grands groupes ne sont pas forcément les
mieux protégés. «Plus le système est gros, plus
il a de failles», dit Marc. [id:3965], il s'est récemment
introduit dans le système d'un des principaux
sites marchands français. Bon prince, il
leur a envoyé un courrier électronique pour leur
signaler leur fragilité. Car telle Pamela
Anderson sur la plage de Malibu, certains
hackers se voient comme des sauveurs. «Les
hackers sont [id:3966]. Vous ne devez pas
remercier les éditeurs de logiciels, mais plutôt
les hackers qui les ont aidés à corriger leurs
problèmes de sécurité.» Exact. Mais pirater
peut aussi être [id:3967]: «Certaines sociétés nous
donnent 2000 euros si on pénètre leur système
lors d'un test d'intrusion.» Aux Etats-Unis, les
sociétés de sécurisation et le gouvernement
n'hésitent pas à engager des hackers pour
renforcer les systèmes. Selon le FBI, aux Etats-
Unis, le nombre de crimes informatiques a
doublé. [id:3968]: on trouve facilement sur le Net
des programmes nuisibles comme les «chevaux
de Troie», permettant d'infiltrer un ordinateur
pour y faire naître le désordre.
Selon l'informaticien Laurent Pelé, d'ici
quelques mois des centaines de "bricoleurs"
pourraient devenir des faussaires, capables de
générer de fausses cartes bancaires en récupérant
la notice de fabrication sur le réseau!
Pis: une poignée de mafiaboys, jusqu'ici isolés,
pourraient unir leurs efforts pour bloquer
durablement les plus gros sites du monde et
torpiller le Nasdaq. Les cybermarchands ont installé
des tiroirs-caisses avant de construire des
murs: la nouvelle économie mérite décidément
une bonne fessée¹.

Stéphane Arteta, dans
«Le Nouvel Observateur»

¹ une bonne fessée = een flink pak slaag