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Faut-il sortir du nucléaire civil?

Faut-il sortir du nucléaire civil?

Hubert Reeves, astrophysicien

Selon un rapport conjoint de l'OCDE et
de l'Agence internationale de l'énergie
atomique, les ressources d'uranium récu-
pérables s'élèvent à quatre millions de
tonnes. Au rythme d'utilisation actuel
(60 000 tonnes par an), l'uranium sera
épuisé dans moins d'un siècle. Mais, pour
réduire de 50% l'émission de gaz carbo-
nique, il faudrait construire plusieurs
milliers de réacteurs qui épuiseraient les
réserves mondiales en moins de cinq ans,
et produiraient 150 000 tonnes de déchets
par an, dont on ne sait ni quand, ni
comment, ni surtout à quel prix se
débarrasser! Par ailleurs, l'Europe ne
possède que 2% des réserves mondiales.
Qui peut parler d'indépendance énergétique?
De plus, selon de nombreux conseils
en énergie, le nucléaire est un mode de
production d'électricité assez coûteux.
L'Espagne a cessé en 1984, l'Autriche en
1987, l'Allemagne en 1989. Seuls les
pays à monopoles (la France, le Japon)
persistent. L'internationalisation des
groupes énergétiques, l'ouverture à la
concurrence, donnent maintenant toutes
leurs chances aux énergies renouvelables,
qui ne polluent pas. Et qui n'hypothè-
quent pas l'avenir.

Bruno Comby, polytechnicien

D'un côté, il convient de protéger
l'environnement; de l'autre, il faut bien
produire de l'énergie pour faire vivre les
six milliards d'hommes et de femmes qui
peuplent la terre. Donc, il faut produire
de l'énergie propre. Or, les énergies les
plus sales sont les énergies dites fossiles
(gaz, pétrole, charbon). Elles émettent
chaque année des millions de tonnes de
gaz à effet de serre qui élargissent le trou
de la couche d'ozone. Les nouvelles
sources «propres», éoliennes ou solaires,
sont très attractives sur le papier, mais,
pour une centrale nucléaire, il faudrait
10 000 éoliennes qui défigureraient des
centaines de kilomètres de paysage, et à
condition qu'il vente toute l'année! Le
nucléaire est donc la seule énergie propre
capable de produire beaucoup d'électri-
cité avec très peu de combustible. Donc,
les vrais écologistes que nous sommes
sont formels: il faut non seulement
conserver le nucléaire civil, mais aussi le
développer sur toute la planète.

Jean-Claude Artus, médecin et cher-
cheur

Si l'on parle des effets sur la santé - ma
spécialité - on entend tout et n'importe
quoi. Les centrales nucléaires sont d'une
grande sûreté en France. Un accident
comme Tchernobyl est impossible ici.
Seule une fuite radioactive grave, comme
celle survenue dans une centrale de Penn-
sylvanie en 1979, pourrait se produire. Or,
avec vingt-trois ans de recul, nous avons
la confirmation que l'accident de 1979 n'a
fait aucune victime! Il s'agissait d'un
réacteur identique à ceux qui sont en
service en France. Nous ne craignons donc
rien, y compris en cas d'accident aussi
grave. Quant aux rejets de la production
électronucléaire, ils sont mille fois moins
élevés que les radiations que nous
délivrons à des fins médicales (pour les
radiographies, par exemple). Même l'usine
de retraitement de la Hague ou les armes
nucléaires sont inoffensives pour la santé,
n'en déplaise à Greenpeace. Aussi, comme
le nucléaire ne rejette pas de gaz à effet de
serre, et puisqu'il ne présente aucun
danger quand il est maîtrisé, je pense qu'il
est inconscient, et même scandaleux, de
vouloir en sortir.

«Le Vrai»