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Nous sommes tous des enfants de la télé

Elle a servi de baby-sitter à toute une génération. C’est une grosse différence avec les parents. Aujourd’hui, la télé fait partie des meubles, mais ce n’est pas la seule chose qui compte dans la vie…

1    N’écoutez pas les adultes vous dire que    sociologue des médias, Dominique Pasquier,
 vous regardez trop la télé. C’est faux. Ou40 «la télé est devenue chez les jeunes un média
 alors eux, c’est encore plus. Près de trois presque transparent, un bruit de fond». Elle
 heures et demie en moyenne chaque jour, parle même d’une «génération multitâche»,
5 alors qu e vous n’y consacrez que deux pau- qui peut faire ses devoirs, écouter la radio,
 vres petites heures de rien du tout (bon, c’est lire, surfer sur le Net, avec la télé allumée. Le
 déjà pas mal…). Dans l’histoire, ce sont bien45 phénomène par excellence qui énerve les
 les parents qui passent énormément de temps parents.
 devant l’écran. Vous, les jeunes, vous prenez4    Evidemment, tout le monde ne regarde pas
10 le temps de sortir, de voir des copains, la télé de la même manière. Les filles, par
 d’écouter la radio, de surfer sur le Net et, de exemple, ont tendance à la regarder plus que
 temps à autre, de travailler dur.50 les garçons, surtout le week-end et en fin
2    Cependant, on vous appelle la «génération d’après-midi. Mais certains jeunes, filles ou
 télé», grandie avec les Simpson et les Buffy. garçons, allument la télé dès le matin et s’en-
15 Vous avez vu la télé dès votre plus tendre en- dorment le soir avec. Alors que d’autres limi-
 fance. Disons que la télé fait partie de votre tent leur consommation à quelques program-
 paysage, au même titre que le portable ou la55 mes sélectionnés (avec ou sans la pression des
 chaîne hi-fi. Pas moins, mais pas plus. Diffi- parents). Monique Dagnaud, sociologue, pré-
 cile à comprendre pour les parents qui ont cise que «même si tout le monde la regarde, la
20 vécu pendant longtemps avec trois chaînes télévision est surtout un loisir du milieu popu-
 (publiques) seulement et des programmes qui laire: plus on appartient au milieu cultivé,
 s’arrêtaient avant minuit… Les parents, eux,60 moins on est collé devant l’écran.»
 ils ont bien profité de l’offre quand elle est5    Prenons le cas de Prescillia, 17 ans, fille
 devenue plus abondante, laissant la télé allu- d’un père ouvrier à Paris et d’une mère de
25 mée près de cinq heures et demie par jour. La famille, qui regarde la télé douze heures par
 consommation des 15-24 ans, elle, est restée jour depuis qu’elle a arrêté le lycée. Sa soeur
 stable entre 1993 et 2001. Et ce, malgré l’ex-65 de 4 ans la regarde «depuis qu’elle a des yeux
 plosion des chaînes spécialement pour les pour voir» et s’installe devant les dessins ani-
 jeunes sur le câble et le satellite. més tous les matins avant d’aller à l’école ma-
330     Quand on a été élevé avec ce que Simon, ternelle. Par contre, Raphaëlle, 20 ans, étudi-
 17 ans, appelle «la petite princesse du salon», ante en droit à Lyon, père ingénieur et mère
 on développe forcément avec elle un rapport70 bibliothécaire, n’a jamais eu de télé (son père
 particulier, mélange bizarre d’indifférence et trouve que la télé ne sert à rien), mais est en-
 de passion. On l’allume machinalement en couragée à lire, à utiliser l’ordinateur. Dis-
35 rentrant chez soi, sans forcément la regarder. moi combien de temps tu passes devant la
 Mais une fois devant, on se met à zapper com- télé, je te dirai qui tu es…
 me un fou d’un programme à l’autre! Deux75 «Phosphore»