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Festins de France

Festins de France

11     «Ah que nos pères étaient heureux quand ils étaient à table...» A l'exemple de cette vieille
2 chanson à boire (et à manger), le livre «Festins de France» de Marie de la Forest Divonne et
3 d'Isabelle Maillard fait revivre les habitudes culinaires de nos ancêtres. En voici quelques
4 extraits.
 
25     Au Moyen Age, volailles et viandes rôties occupaient une grande place sur les
6 tables de festins et étaient servies sur de larges bassins d'argent. Les rôtis étaient
7 accompagnés de sauces à dominante très acide, où les verjus, c'est-à-dire jus de raisin
8 vert ou d'orange amer, étaient quelque peu adoucis par des fruits frais écrasés ou, parfois
9 aussi, par du sucre. Les matières grasses étaient pratiquement toujours absentes des
10 sauces.
311     Couverte souvent d'un tapis puis d'une lourde nappe blanche pliée en double
12 («doublier»), la table médiévale ne comporte ni assiettes ni couverts. Les convives étalent
13 leurs viandes en sauces sur d'épaisses tranches de pain posées parfois sur des plaques de
14 bois. Chaque convive apporte son couteau et s'en sert pour découper les pièces de
15 viande. On mange avec ses doigts, lavés avant et après le repas. Quelques gobelets de
16 bois, d'étain ou parfois d'argent sont placés devant les invités les plus illustres afin d'y
17 recevoir les boissons. Deux ou trois personnes se partagent le même gobelet, les autres
18 convives boivent directement au pot.
419     Le XVIIe siècle, surtout dans sa seconde moitié, voit naître un art culinaire qui se
20 développera jusqu'à nos jours. Les sauces acides du Moyen Age à base de verjus et de
21 vinaigre font place aux sauces «grasses», liées aux jaunes d'oeuf, à la crème et au beurre.
22 Ce dernier, considéré auparavant comme une graisse médiocre, réservée aux pauvres,
23 connaît le début de sa gloire...
524     On se met également à apprécier et à cuisiner les légumes, qui se diversifient: les
25 concombres, les artichauts, les asperges, et surtout les petits pois. Ces derniers font l'objet
26 d'une véritable folie à la cour du Roi-Soleil.
627     Si, en principe, toute la cour est invitée à assister aux réjouissances de Versailles,
28 tous ne bénéficient pas des mêmes faveurs. Rares sont les courtisans qui ont le privilège
29 de pouvoir s'asseoir à la table du roi, ou même celui de s'asseoir tout simplement... Les
30 places font, en effet, l'objet d'un véritable commerce. Lorsqu'on consulte la liste des
31 invités à la table du roi Louis XIV, on ne trouve que rarement un nom masculin. Sans
32 être l'une des cinquante dames souvent invitées, on peut tout de même espérer être parmi
33 les deux cents, trois cents, ou même six cents convives qui sont admis régulièrement au
34 souper du roi. Pour eux, pas question de s'asseoir, l'étiquette n'a prévu aucun siège. Le
35 festin se transforme alors en spectacle, où l'on regarde les autres manger. Tout n'est pas
36 perdu cependant, puisque, une fois que les invités ont quitté la table, il est d'usage de se
37 précipiter sur les «restes», nombreux et abondants.
738     Qui n'a jamais lu ou entendu dire que, malgré le luxe qui les entourait, les
39 courtisans et le roi lui-même étaient sales, sentaient mauvais, urinaient derrière les
40 rideaux du château, etc.? Le journal de Pierre Narbonne, premier commissaire de la Ville
41 de Versailles, a confirmé ce manque d'hygiène et, pour le combattre, ordonnances de
42 police et manuels de politesse ont multiplé les règles qui régissaient le comportement à
43 table.
844     Résultat: on ne mange plus avec les mains, on ne crache pas, on utilise d'ailleurs
45 assiette individuelle et fourchette. Louis XIV était un des seuls à la cour à ne pas utiliser
46 systématiquement cette dernière.

«Marie Claire», avril 1989