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Walesa chez Pivot... et à l'Olympia

Walesa chez Pivot... et à l'Olympia

Cet article a été écrit à propos de la publication en France (avril 1987) de l'autobiographie de Lech Walesa «Un chemin d'espoir» et à propos d'une interview que Bernard Pivot, présentateur du programme télévisé «Apostrophes», a eu avec ce leader du syndicat libre polonais «Solidarnosc», interdit à l’époque.

11     Il y a six ans, en octobre 1981, Lech Walesa a visité la France. A ce moment-là,
2 Mitterrand et Mauroy1 gouvernaient le pays. Yves Montand chantait au music-hall de
3 l'Olympia, et tous les syndicats français réunis accueillaient Walesa dans la joie à Paris.
24     Dans l'autobiographie qu’il a publiée cette semaine aux éditions Fayard, le leader
5 de Solidarité dit bien ce que lui ont apporté à cette époque Edmond Maire et les autres
6 dirigeants des syndicats français. Mais qui aime bien châtie2 bien. Et aussitôt après,
7 Walesa ajoute ce propos sévère pour l'ensemble de nos syndicats: «En Occident aussi la
8 solidarité apparaît comme un besoin ressenti. Trop sou vent les syndicats soutiennent les
9 intérêts des partis politiques dont ils constituent la base, aux dépens parfois des citoyens
10 ordinaires, qui sont écrasés par le poids des institutions sociales, parmi lesquelles les
11 syndicats eux-mêmes.»
312     Courage, lucidité, franchise, on a trouvé tout cela à «Apostrophes» vendredi soir,
13 dans l'interview de Walesa qu e Bernard Pivot a réussi à filmer, en janvier dernier, à l’insu
14 du gouvernement polonais. C'était près de Gdansk, dans un lieu où l'Eglise a assez de
15 puissance pour en empêcher l'accès aux miliciens. Joli coup de la presse, et utile secret,
16 quand on sait que l'Etat polonais vient d'interdire le séjour de Walesa en Italie, sous
17 prétexte que son entreprise a besoin d'un électricien et ne peut se passer de lui!
418     En octobre 1981, Edmond Maire m'avait annoncé l'arrivée prochaine en France de
19 Walesa, son invité. Et comme je m'inquiétais du programme proposé, trop riche à mon
20 avis en visites d'usines et d'ateliers, mais trop maigre en revanche en flâneries dans Paris,
21 Maire m'indiqua que son syndicat ne s'était pas chargé d'animer les soirées du leader de
22 Solidarité.
23     - Pourquoi ne l'emmenez-vous pas, lui dis-je, entendre Yves Montand à l'Olympia?
24     - Mais il nous faudrait dix billets, et on joue à bureaux fermés3!
525     Le temps de courir place Dauphine, chez M. et Mme Montand-Signoret, et voilà,
26 Walesa avait ses dix places. Mieux encore, il verrait de ses propres yeux la banderole que
27 Montand, après sa dernière chanson, faisait descendre chaque soir sous les
28 applaudissements du peuple de Paris: «Solidarnosc».
629     Dans son autobiographie, Lech Walesa écrit aujourd'hui: «A Paris, je ne pus
30 admirer la Seine qu'une fois, à l'occasion d'une promenade en bateau-mouche, et je n'eus
31 droit qu'à une seule soirée de divertissement à l'Olympia, à l'invitation de Simone
32 Signoret et d'Yves Montand, avec qui je pus bavarder autour d'une coupe de
33 champagne.» Cette seule phrase me réjouit.
734     Plus tard, lorsque le général Jaruzelski4) est venu à Paris, les autorités lui ont
35 organisé, à lui aussi, une promenade en bateau sur la Seine. Mais Simone Signoret n'était
36 plus là. Quant à Yves Montand, il manifestait contre lui aux Invalides, en compagnie
37 d'Edmond Maire.
838     On ne dira jamais assez ce que sont les fidélités de l'artiste et du syndicaliste. On ne
39 dira jamais assez non plus que, parmi les bonnes idées de Bernard Pivot, fut excellente
40 celle de les inviter tous les deux à venir au studio pour commenter l'interview avec Walesa.

Ivan Levaï dans «Vendredi-Samedi-Dimanche» du 25 avril 1987

noot 1: Mitterrand et Mauroy: (in 1981 ) respectievelijk socialistische president en socialistische premier van Frankrijk
noot 2: châtier = straffen
noot 3: jouer à bureaux fermés = voor een uitverkochte zaal spelen
noot 4: Jaruzelski: (in 1987) eerste secretaris van de Poolse communistische partij en president van de staatsraad