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Qui sont ces pyromanes qui soufflent sur nos forêts?

Qui sont ces pyromanes qui soufflent sur nos forêts?

11     Cet été encore, des adultes, des adolescents et même des enfants ont provoqué
2 volontairement des incendies. Sont-ils tous des malades ? Les psychiatres avancent
3 diverses explications face à ce type de comportement. «Il y a en chacun de nous un
4 pyromane qui sommeille», déclare le professeur Jean Ayme à l'hôpital Sainte-Anne.
5 Tous les enfants aiment jouer avec le feu, c'est bien connu. Heureusement, nous
6 parvenons généralement à dompter ce penchant naturel, auquel nous laissons
7 uniquement libre cours en certaines occasions comme les feux d’artifice ou encore les
8 feux de camp organisés par les scouts. Bien des pompiers sont des pyromanes qui ont
9 neutralisé «leur pyromanie», explique à ce propos le psychiatre.
210     Le professeur Jean-Marc Albi, chef du service de psychiatrie de l'hôpital
11 Saint-Antoine, distingue parmi les pyromanes ceux qui agissent par vengeance et ceux,
12 beaucoup plus nombreux, qui ne peuvent résister à la fascination qu’exerce sur eux le
13 feu. Les premiers, marginaux ou déséquilibrés, mettent le plus souvent le feu aux
14 poubelles d'un immeuble ou d’un magasin. Les seconds, pour la plupart légèrement
15 débiles, éprouvent une jouissance à la vue des incendies qu'ils déclenchent et qu’ils se
16 proposent fréquemment d'aider à éteindre.
317     Certains incendies sont également déclenchés accidentellement par des enfants
18 jouant avec des pétards ou au contraire de manière très utilitaire, par des propriétaires
19 désireux de faire payer l'assurance. Il n'est alors plus question de pyromanie en tant que
20 maladie mentale.
421     La psychothérapie, précisent les deux psychiatres, ne donne guère de résultats, car
22 les pyromanes, peu habitués au dialogue «ne s'expriment pas par des mots, ils passent à
23 l'acte». Les médicaments ont un effet illusoire et la seule solution est le plus souvent celle
24 d’un internement de plusieurs années, prolongé d'une surveillance en milieu ouvert,
25 indique Jean Ayme.
526     Le cas des jeunes qui déclenchent des incendies est différent, car il est bien plus
27 difficile d'établir la limite entre le normal et le pathologique. Il s’agit, la plupart du temps,
28 de bandes de jeunes, qui par manque d'occupation se laissent facilement entraîner.
629     «Le spectacle même des incendies, reproduit par la presse et surtout par la
30 télévision, peut constituer une incitation au passage à l’acte,» indiquent par ailleurs les
31 professeurs Albi et Ayme. « La pyromanie a quelque chose de communicatif, car la vision
32 même de ces flammes, peut exercer une grande fascination sur certaines personnes.»
733     A propos des adolescents, Olivier Halfon, psychiatre à l'hôpital Hérold à Paris,
34 parle de «conduites agressives, précriminelles», d'une «espèce de jeu dont ils mesurent
35 mal les conséquences, mais qui n'indique pas un trouble mental», Une collaboration
36 entre juges et psychiatres permet généralement de mettre fin à ce type de comportement.
837     En ce qui concerne les enfants pyromanes de moins de 13 ans, M. Halfon explique:
38 «Ces enfants sont les mêmes que ceux qui se penchent trop a u balcon, traversent sa ns
39 regarder et ont souvent des accidents. Comme ils sont déprimés ou qu'ils manquent
40 d'affection, leur acte doit être interprété comme un appel». Une prise en charge
41 psychologique qui permet à ces enfants de s’exprimer autrement est indispensable.

l'Est Républicain, 3 août 1986