Vincent habite Hoenheim, une des communes | | fouillé au corps pour chercher de l'argent. Mais |
de la périphérie de Strasbourg, | | ils n'ont trouvé que mon couteau de poche. Ils |
dont la population a explosé ces dernières | | l'ont pris.» |
années. Les voitures qui flambent et les | | Ce n'est pas seulement dans les quartiers |
bagarres qui éclatent, Vincent les connaît bien. | | périphériques que l'insécurité se manifeste. |
«L'insécurité ne date pas d'hier. J'avais 11 ans | | [id:445] , en plein centre de Strasbourg, Valérie, |
quand j'ai été maltraité pour la première | | 17 ans, s'est fait voler son portable. «C'était la |
fois...» Aujourd'hui, le jeune homme en a 19 et | | fin de l'après-midi. Il y avait plein de passants, |
les choses ne se sont pas améliorées. Pourtant, | | je parlais au téléphone. Un jeune s'est |
à ses parents ou à ses amis, Vincent parle peu | | approché, il m'a arrosée avec sa bombe |
de [id:441]. | | lacrymogène et s'est enfui avec mon portable. |
Si Strasbourg montre ses balcons fleuris | | Depuis, moi aussi, j'ai ma bombe dans mon |
et ses rues propres, si Hoenheim n'a rien d'une | | sac.» |
banlieue [id:442], on peut y entendre ce que le | | Les lieux publics, les transports, les |
sociologue Driss Ajbali appelle le «gémissement | | jeunes Strasbourgeois disent d'essayer de les |
urbain», ce sentiment d'insécurité fait | | éviter. «On risque toujours quelque chose», |
de mille et un incidents qui rendent la vie | | raconte Isabelle, 18 ans, qui ne se promène |
quotidienne insupportable. Celle des jeunes en | | seule en centre-ville qu'en journée. «Pour les |
particulier. | | filles, c'est toujours [id:446]: ça commence par |
Vincent se plaint pas mal. Surtout quand | | la drague2), ça finit par des insultes. Mais je |
il passe dans des endroits qu'il sait [id:443]. | | n'ai jamais été agressée. J'essaie de faire |
C'est le cas du pont qui enjambe le canal de la | | attention.» |
Marne au Rhin et qui sépare Hoenheim en | | Yacine, lui, est membre du club de foot |
deux. D'un côté, le vieux village. De l'autre, | | d'un quartier de HLM3) construites à la fin de |
les immeubles où sa famille habite. «C'est | | la guerre d'Algérie pour accueillir les rapatriés. |
[id:444], dit-il, des jeunes se cachent sous le | | Il connaît les bagarres, bien sûr, mais aussi |
pont, cherchent leur proie et apparaissent d'un | | [id:447] qui font mal. A chaque rencontre à |
coup, encerclent le jeune, lui réclament une | | l'extérieur, il entend les injures racistes: «Sale |
cigarette, puis de l'argent. C'est toujours le | | Arabe, rentre chez toi» «Ça ne vient pas que |
même scénario. Parfois, ça se termine mal.» | | des tribunes, dit-il. Souvent, c'est dans la |
Lui-même a connu cette peur. Il s'est retrouvé | | bouche des entraîneurs...» Cette violence-là, il |
un après-midi face à deux agresseurs d'une | | faut aussi en parler, disent les jeunes de ce |
vingtaine d'années, en possession d'une bombe | | quartier. |
lacrymogène1) et d'un couteau. «Ils m'ont | | |