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La blonde qui défie les icebergs

Maud Fontenoy, 25 ans, se prépare à traverser l’océan. A la rame. En
solitaire. Et dans le mauvais sens. C’est-à-dire dans le sens ouest-est, en
partant de Saint-Pierre-et-Miquelon, au large du Canada, pour gagner la
Bretagne après cent jours de galère.


     barrières. J’étais choquée de voir qu’on ne
  faisait pas confiance aux jeunes. Certaines
  injustices nous surprenaient. Par
 40 exemple, pourquoi on devait se lever
  quand le proviseur entrait, et jamais le
  contraire? Sur le bateau, on était tous
  pareils. On décidait nous-mêmes de nos
  punitions. On ne nous imposait aucune
1     Le Point: Pourquoi avez-vous choisi45 limite.
 ce parcours, beaucoup plus dur que la4     La vie d’avant vous manque?
 route est-ouest qui passe plus au sud?     Cette vie m’a donné envie d’aller au
     Maud Fontenoy: Pour traverser bout de mes rêves. Enfant, j’étais fascinée
5 l’Atlantique, la route du sud part des par les exploits de Gérard d’Aboville, qui
 Canaries ou des îles du Cap-Vert et va aux50 a traversé l’Atlantique, puis le Pacifique à
 Antilles. On est porté par les vents alizés la rame.
 et entraîné par le courant. Il fait beau et5     Et vous l’avez rencontré…
 chaud. Alors que sur la route du nord, il y     J’ai rencontré Gérard à la Fédération
10 a des icebergs et du mauvais temps. Ce des bateaux voiles et avirons2) tradition-
 parcours n’a jamais été fait par une55 nels, dont je suis présidente. Quand je lui
 femme, alors que la route du sud a déjà ai parlé de mon projet, à aucun moment il
 été empruntée par Peggy Bouchet. Je n’a mis en doute que j’allais réussir. Il m’a
 suivrai donc le parcours de Gérard beaucoup aidée. Car c’est à la fois un
15 d’Aboville en 1980. Il est d’ailleurs mon projet infiniment personnel - je vais me
 conseiller technique.60 retrouver toute seule, pendant cent jours,
2     _______[id:35743]_______? au milieu de l’Atlantique - et un travail
     J’ai habité quinze ans sur un bateau. d’équipe avec tous ces gens qui me
 Mon père, architecte naval, a construit soutiennent. Ce n’est pas un saut dans le
20 une goélette de 17 mètres dans un champ, vide mais une expérience très préparée.
 sur un terrain devenu aujourd’hui65 Avec Gérard, j’envisage tous les
 Disneyland (à l’est de Paris). On a fait problèmes qui peuvent se présenter
 l’Atlantique à la voile et on a vécu, mes pendant le voyage pour préparer des
 parents, mon grand frère, mon petit frère, solutions avant de partir. Je n’exclus pas
25 et moi, dans les îles, à cinq sur le bateau. qu’un problème très grave m’oblige à
 Plus tard, j’aimerais élever mes futurs70 arrêter en plein milieu. Je ne pars pas
 enfants sur un bateau. Tu vas où tu veux pour me suicider.
 avec ta maison.6     Mais où est le plaisir?
3     Lorsque vous êtes revenue en France,     Certainement pas pendant la
30 vous n’étiez pas considérée comme une traversée. Le plaisir est plutôt avant,
 «sauvageonne1)»?75 lorsque l’on prépare le projet dans ses
     Pas du tout. On était hyper-sociables, moindres détails. Et après, bien sûr,
 pas du tout timides. On avait l’habitude quand on se dit qu’on a réussi. Réaliser
 d’entrer en contact avec tous les gens son rêve, en dépassant ses limites, en
35 qu’on rencontrait. C’est en arrivant à trouvant en soi la force de continuer.
 l’école, dans la société, qu’on a appris les


noot 1: une sauvageonne: (hier) een onaangepast persoon
noot 2: la Fédération des bateaux voiles et avirons: de roei- en zeilvereniging