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Moi, Eden, juif, Français et Israélien

Moi, Eden, juif, Français et Israélien

 (1) «Maman? Combien de personnes ont    sives qui entourent un tel voyage.»
 été déportées dans ta famille?» Cette (4) En famille, Eden parle hébreu, la
 question n’étonne plus. Comme si elle se langue de ses parents. Nés en Israël,
 posait en permanence dans cette famille ceux-ci ont immigré en France il y a vingt
5 juive. Ida répond: «Certaines ont émigré.40 ans. Pour maintenir le contact avec la
 Celles qui sont restées en Pologne sont famille, ils s’y rendaient trois fois par an.
 mortes. Combien?…» Elle réfléchit, puis Malgré cela, Eden, qui a la double natio-
 reprend: «Je n’ai pas cherché à savoir. Je nalité,se montre très attaché à son se-
 n’ai pas la force. Chaque fois que je vois cond pays et a l’intention d’y vivre un an,
10 un truc sur la Shoah1) à la télé, je pleure.45 après le bac. S’y installer définitivement?
 Eden le fera peut-être.» Rien ne presse. «Je suis en train de cons-
 (2) Eden, c’est son fils. Enfant de juifs truire ma vision de ce pays. Avec 70% de
 polonais et autrichiens qui ont été per- juifs, on n’a pas le sentiment d’être une
 sécutés durant la Seconde Guerre mon- minorité, comme c’est le cas ici. Mais ce
15 diale, ce jeune de 16 ans se prépare à50 n’est pas non plus un paradis. Et puis, je
 un long voyage dans la région de suis Français!»
 Cracovie, en Pologne. A Auschwitz- (5) Inscrit dans un lycée catholique du
 Birkenau, le plus grand camp de con- XIXe arrondissement de Paris, Eden a
 centration construit par les nazis. «Je rarement souffert du racisme. «‘Sale juif’,
20 sais ce qui s’est passé là-bas. La Shoah55 une fois, au lycée», se souvient-il. Certains
 n’est pas un tabou dans notre famille. de ses copains sont d’origine arabe.
 Et je me suis documenté. Mais j’ai Il a eu une petite amie iranienne. La
 besoin de ressentir, d’avoir une vision diversité le rassure.
 directe de cette réalité.» Par chance, (6) Eden avoue être attaché aux valeurs
25 les grands-parents d’Eden ont su60 traditionnelles: famille, justice, respect
 échapper à la barbarie. des ancêtres. Sans être croyant. Ses
 (3) «Même s’ils ont été épargnés, il y a parents non plus. «Nous célébrons
 tous les autres, poursuit Eden. Pour moi, Hanoukka (la fête des Lumières). C’est
 aller à Auschwitz, c’est premièrement comme les athéistes qui fêtent Noël»,
30 accomplir un devoir.» Autre mission?65 explique-t-il, en jouant avec son pen-
 Convaincre ses parents de l’accompagner. dentif2), une étoile de David. Il la porte
 Pour Aron, son père, c’est «non». Trop toujours, mais au lycée il la met sous son
 douloureux. Ida, elle, se donne du temps T-shirt. «Je ne la porte pas dans le but de
 pour réfléchir. «Ce que fait Eden, c’est montrer mon identité.»
35 bien. Mais j’ai peur des émotions exces-