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Deux écoles, deux mondes

11     Jeans bien coupés, sweatshirts confortables, les enfants de l'Arbat, rencontrés dans
2 l'école de ce quartier central de Moscou, ressemblent aux lycéens parisiens. Beaucoup
3 d'entre eux parlent d'ailleurs très bien le français ou l'anglais, car avec leurs parents,
4 diplomates ou intellectuels, ils ont souvent passé de longues années à l'étranger. Quelle
5 est, pour eux, la principale différence entre la Russie d'hier et celle d'aujourd'hui?
6 «Maintenant, c'est mieux, nous sommes libres, no us n'avons plus à porter l'uniforme.» «Et
7 puis, nous n'avons plus à aller dans les organisations de jeunes», ajoute un élève qui, sous
8 les rires de toute la classe, met autour de son cou le foulard rouge des Jeunesses
9 communistes.
210     L'été, ils font de petits travaux pour leur argent de poche. Et pas n'importe quel
11 travail. Une écolière dit ainsi qu'elle a aidé sa mère qui fait des affaires avec une société
12 allemande. S'ils ont des conflits avec leurs parents c'est parce que ces derniers «n'aiment
13 pas notre musique, ne lisent pas les mêmes livres que nous», ou encore, disent les filles, «ne
14 comprennent pas qu'on porte des jeans». Ils savent qu'ils sont privilégiés, qu 'ils ont de la
15 chance. Certains regrettent quand même que l'URSS n'existe plus, comme ce garçon qui
16 affirme: «Je suis né au temps de l'Union soviétique et je préférerais vivre en Union
17 soviétique.» Leurs idoles? Paul McCartney, Pouchkine, Chopin, le groupe Queen, John
18 Kennedy, Clint Eastwood.
319     Les enfants de l'école de Beskoudnikovo, dans la banlieue de Moscou, sont aussi
20 contents de ne plus porter d'uniforme, mais ils regrettent souvent la disparition des
21 organisations de jeunes. «Au moins, avant, on avait quelque chose à faire les jours de
22 congé, on se réunissait, maintenant il n'y a plus rien.» Certes, ils savent bien que «Staline et
23 le KGB ont fait tuer beaucoup de gens», mais l'immense majorité d'entre eux estime que
24 l'on vivait bien mieux avant: «On pouvait quand même acheter des bonbons, ce n'était pas
25 comme aujourd'hui. Maintenant certains peuvent s'acheter des walkman alors que
26 d'autres ne peuvent même pas se payer un morceau de pain.»
427     Avec l'argent, la sécurité est l'un des plus grands soucis des enfants de
28 Beskoudnikovo: «On ne peut plus sortir le soir»; «nous avons peur de nous faire
29 racketter1) par les plus grands»; «à l'époque de Staline, on pouvait même laisser un vélo
30 devant la porte toute la nuit sans qu'il soit volé!» Idole des jeunes: Schwarzenegger, suivi
31 de James Bond, Sean Connery, le commissaire Cattani, hé ros d'une série policière
32 italienne. Quels pays voudraient-ils visiter? Première réponse (polie): «la France». Seconde
33 (enthousiaste): «l'Amérique, bien sûr!»
d'après José-Alain Fralo, dans «Le Monde» du 30 septembre 1992

noot 1 racketter = afpersen, beroven