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L'Afrique arrive en Espagne

l'Afrique arrive en Espagne

11    «Nos plages accueillent Européens et Africains, mais il y a une différence: les
2 Européens viennent y chercher Le repos, les Africains du travail.» Julio, gendarme, résume
3 en une seule phrase Le drame que vit la petite ville espagnole de Tarifa tous les jours. Ce
4 drame, c'est l'arrivée sur la plage, pendant la nuit, de petits bateaux pleins d'immigrés qui
5 viennent de la côte marocaine. Ils ont faim, ils sont désespérés et ils sont clandestins.
26    Tarifa (10 000 habitants) est une petite ville espagnole située sur Le détroit de
7 Gibraltar. En quelques années, Tarifa est devenu un endroit stratégique pour l'Espagne,
8 pour l'Allemagne, pour la France. A 700 km de Madrid, Tarifa n'est plus seulement la
9 capitale du windsurf, mais un pos te de douane important chargé de défendre l'Europe
10 contre [id:73890] qui devient chaque jour plus importante.
311    De l'autre côté de la mer, à 14 km à peine, se trouve Le Maroc... Chaque soir, dans
12 les cafés de Tarifa, on parle de [id:73891] : si Le vent souffle de l'ouest, les petits bateaux
13 amèneront des dizaines d'immigrés vivants. Si c'est du vent d'est, ce sera un vent fort, et on
14 trouvera Le matin, sur la plage, les corps des morts, noyés dans la mer.
415    «Le détroit de Gibraltar est la zone d'Espagne où on peut Le plus facilement entrer
16 en Europe. Vous voyez Le Maroc à l'horizon? C'est la salle d'attente pour tous les
17 désespérés qui veulent entrer dans [id:73892]: Ethiopiens, Somaliens, Ivoiriens, Marocains,
18 Sénégalais... » Ildefonse Sena est journaliste et spécialiste de l'immigration clandestine. Il
19 habite à Tarifa. «On ne pourra jamais stopper la masse d'immigrés. Ils ont tout abandonné
20 et ils ont faim. Ni la police, ni la peur de la mort ne peuvent les [id:73893]
521    Ils quittent leur pays en vendant tout, arrivent au Maroc après des mois de voyage à
22 pied. Là, ils doivent [id:73894] la police locale une somme d'argent énorme. Ruinés, ils
23 travaillent pour des agriculteurs jusqu'à ce qu'ils aient réuni les 6 500 F, qu'ils doivent
24 payer pour [id:73895] . Puis ils doivent attendre avant d'être embarqués un soir dans un
25 village quelque part sur la côte marocaine. En pleine nuit, ils sont entassés, à vingt
26 personnes à la fois, sur un petit bateau qui ne mesure que 5 mètres. Six heures plus tard, si
27 tout va bien, ils arriveront sur les côtes espagnoles. Souvent, les policiers [id:73896]: ils sont
28 transportés directement à la prison de Tarifa. A leurs yeux, c'est déjà [id:73897]. On y reçoit
29 à manger, il n'y fait pas froid. On dort dans un lit...» Derrière les grilles de la prison,
30 Omar, un Algérien de dix-neuf ans, qui a perdu ses parents, me dit: «Je suis ici depuis vingt
31 jours, arrivé par Le bateau. En Algérie, il n'y a pas de travail, et surtout pas d'argent»,
632    Les immigrés dont on ne connaît pas Le pays d'origine, restent quarante jours dans
33 une prison ou un centre de détention. Puis on les libère en leur faisant savoir qu'ils
34 devront [id:73898] . Ils ont encore un mois pour trouver un avocat, ce qu'ils ne font pas. Ils
35 préfèrent se cacher, car ils ont peur d'être finalement renvoyés chez eux .
736    Au loin, une voiture de la gendarmerie fait monter quatre Noirs africains. Pour ceux-là,
37 do nt on sait d'où ils viennent, Le voyage est fini. Ils ne passeront jamais sur la scène du
38 «Millionnaire», une de ces émissions télévisées que l'on peut recevoir en Afrique du Nord
39 et qui font rêver les malheureux Africains.
840    «L'Europe est proche, mais l'argent est loin.», résume Julio, notre gendarme. Mais
41 ça, qui peut le leur [id:73899]?

d'après Olivier Michel, dans «Le Figaro Magazine» du 24 octobre 1992