Chaque fois que je passe à la caisse, j’ai envie de | | fait un tailleur. |
leur parler, de savoir ce que ça fait d’être là, assise, | | J’adore être à la caisse ‘moins de dix articles’. |
aimable, toute la journée. Pour une fois, j’ai osé. | | Cette caisse, ou bien on la déteste ou bien on l’aime |
Voici ce que Cyrienne, 30 ans, caissière, m’a raconté: | | beaucoup, mais il n’y a pas de juste milieu. C’est un |
«L’hiver, il fait très froid, à l’alimentation, entre | | peu plus fatigant, car il y a toujours des clients. |
les frigidaires et les portes d’entrée du magasin. A | | Mais on est si occupé qu’on ne voit pas le temps |
cette période de l’année, la direction ne nous y laisse | | passer. Au cours des années, on apprend à [id:21796] les clients. |
jamais plus de deux heures car, même avec des | | Ceux qui n’ont pas envie de parler, à qui je me |
vêtements chauds, on [id:21790] . Le pire de tout, ce | | contente de faire un sourire. Et ceux qui, au |
sont les caisses situées près des surgelés: on a les | | contraire, aiment bien bavarder. Il y a aussi les |
mains violettes même en plein été. C’est un métier où | | habitués, qui me cherchent dans tout le magasin pour |
l’on brasse(13) énormément d’argent. Lorsqu’on | | passer à ma caisse. Puis il y a des clients un peu [id:21797], |
commence la journée, on a 700 F dans notre caisse. Au | | par exemple ce monsieur qui refuse catégoriquement |
cours des heures qui suivent, des clients passent pour | | qu’on touche sa marchandise avec nos doigts. Il vient |
payer leurs achats et la caisse [id:21791]. Dès que l’on a 3 000 | | au magasin avec un masque! Tous les soirs, quelqu’un |
F, la caisse émet une petite sonnerie pour nous prévenir. | | vérifie s’il n’y a pas [id:21798]. Finalement, les caissières se |
On met alors l’argent dans un tube pneumatique(14), qu’on | | trompent peu. Bien sûr, il peut y avoir 100 F en plus |
glisse dans un petit trou à nos pieds. Je ne sais pas | | ou en moins, qu’on ne paye jamais de notre poche. Mais |
très bien où ça va. Tous les matins, j’ai [id:21792] : Je vais | | si on fait trois erreurs de caisse en trois mois, on a |
boire un café dans la cantine avec mes copines. Puis je | | un avertissement.» |
pointe15), je consulte le tableau où sont inscrites | | |
toutes les offres spéciales de la journée, et je | | Emmanuelle Cohen, dans «Marie-Claire Suisse», |
m’installe à ma caisse. | | octobre 1996 |
[id:21793], j’avais beaucoup de mal à supporter tout le bruit. | | |
La musique à longueur de journée, les clients qui | |
parlent fort, les enfants qui crient, et surtout le bip | |
du scanner à chaque fois que l’on passe un produit en | |
caisse… Le soir, lorsque je m’endormais, j’entendais | |
encore le bip résonner dans ma tête. Quand je racontais | |
ça à mes collègues, elles rigolaient et me disaient que | |
j’allais finir par m’habituer. Elles avaient raison. | |
Maintenant, je n’entends plus rien. Au contraire, quand | |
la musique [id:21794] pour une raison ou une autre, cela me semble | |
très bizarre. [id:21795] mes collègues, qui préfèrent se changer | |
au magasin, moi j’arrive toujours en uniforme au | |
travail. Même si j’ai une course à faire en chemin, | |
cela ne me gêne pas. J’enlève juste la petite broche | |
sur laquelle est inscrit le nom du magasin, et cela me | |