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Coralie : Ma mére est aveugle

Coralie : « Ma mére est aveugle¹ »?

   
 
 
 
attention à remettre les choses exactement à la
même place, sinon elle ne retrouve rien.
Au début, c’était difficile pour elle, car je ne
rangeais pas bien les affaires. Elle tombait dans
ma chambre à cause du désordre. Maintenant, je
fais attention, c’est devenu automatique de
ranger.
Nous faisons comme les autres : on va au
cinéma, au musée… On part en vacances comme
tout le monde. On a visité les États-Unis, quand
j’avais 9 ans et aussi le Canada. Je me souviens
Coralie a 16 ans et sa mère ne l’aque ma mère me demandait de lui dire ce que je
jamais vue. Elle raconte sa vie avecvoyais, mais je n’aimais pas ça. Ça m’ennuie
une mère qui est aveugle¹.toujours! On adore faire les magasins toutes les
deux. Elle aime bien « voir » ce que j’achète. Elle
Lorsque j’étais petite, quand maman metouche les articles pour savoir si c’est bien. On
demandait : « Coralie, peux-tu meva à la piscine, je la guide. Et puis on joue aux
ramasser ce papier qui est tombé? », jecartes et au Scrabble version braille. Au cinéma,
lui répondais : « Mais, maman, tu n’esje lui décris un peu le film, mais c’est très rare.
pas aveugle¹! » Mais j’ai dû l’accepter : maÇa m’ennuie et elle le sait. Même chose quand
mère était vraiment aveugle. Autrefois, jeon va au musée ou à des expositions. Je
demandais à mes copines comment c’était la viedemande au gardien si ma mère peut toucher les
avec des parents qui voyaient. Quand j’allaisobjets d’art et elle se débrouille². L’avantage
chez elles pour dormir, je regardais commentavec elle au musée ou au cinéma, c’est qu’on
leur vie se passait. En fait, il n’y a pas de grandespeut passer devant tout le monde. Mais souvent
différences.elle n’en profite pas parce qu’elle ne veut pas se
Si ma mère avait été « normale », j’aurais eufaire remarquer.
moins peur. C’est tout. Je suis parfois inquiète.« QUELLE CHANCE, TU PEUX LIRE CE QUE
Quand elle rentre du travail dans un centre pourTU VEUX »
aveugles, je me demande si elle va réussir àEst-ce que j’en profite pour faire des bêtises ?
traverser la rue. Dernièrement, je voulais partirPas trop en fait. Sauf une fois. Je ne voulais pas
une semaine et j’avais peur de la laisser seule.aller à l’école et je lui ai fait croire que le
Elle m’a dit : « Avant ta naissance, je methermomètre indiquait de la fièvre. Bien sûr, je
débrouillais2) bien sans toi! Et un jour tu men’en avais pas. Elle m’a répondu en riant : « Si tu
quitteras. » J’ai quand même l’impression qu’iles malade, j’appelle le médecin. » Elle n’a jamais
faut que je m’occupe d’elle.été dupe. Une autre plaisanterie facile : lire de
« ELLE EN FAIT BIEN PLUS QUE MOI À LAmeilleures notes de mes devoirs scolaires. Tout
MAISON! »le monde me disait : « Tu as de la chance, tu
Malgré son handicap, elle fait beaucoup pluspeux lui lire n’importe quoi. » Je ne l’ai jamais
de choses que moi à la maison. Parfois, quandfait. Je savais qu’elle aurait fini un jour par
on a des invités, elle me demande juste dedécouvrir la vérité.
présenter les plats parce que, pour elle, ce n’est 
pas facile. Et puis, évidemment, je dois faired’après « Bravo girl! » du 3 au 16 juillet 1995

¹ aveugle = blind
² se débrouiller = zich redden