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Sauvé par miracle deux fois le même jour
Sauvé par miracle deux fois le même jour
 | rescapé6), quand il entend un enfant pleurer. C’est | |||||
| Romain, un petit garçon de huit ans qui voyageait | ||||||
| sans ses parents et qu’on avait installé sur le siège à | ||||||
| côté de lui. Il détache la ceinture de l’enfant, le | ||||||
| 40 | prend par la main, cherche une ouverture pour sortir | |||||
| de l’avion. Romain ne pleure plus, s’agrippe avec | ||||||
| force à cet homme dont dépend sa vie. Tous les | ||||||
| deux avancent lentement, dans le noir, et tombent... | ||||||
| dans la neige. Dans la chute, Pierre perd ses chaus- | ||||||
| 45 | sures mais il tient toujours la petite main. Il entend | |||||
| alors une voix de femme qui crie que l’avion va ex- | ||||||
| ploser. Et pieds nus dans la neige, Pierre, suivi de | ||||||
| l’enfant, s’éloigne de cinquante mètres et retrouve | ||||||
| Au début, ce jour-là ne semblait avoir rien | six autres rescapés6) qui ont réussi à se traîner jus- | |||||
| de spécial. Pierre Lota, directeur techni- | 50 | que-là. | ||||
| que d’une société de Marseille, allait | L’attente des secours commence dans un froid terrible. | |||||
| prendre l’avion pour rendre visite à un | Pierre serre Romain contre lui pour le ré- | |||||
| 5 | client, à Strasbourg. A 6 heures du ma- | chauffer. Mais cela ne suffit pas, ils ont besoin d’un | ||||
| tin, il roule sur l’autoroute, direction | feu. Environ une heure après le crash, quand il n’y a | |||||
| l’aéroport de Marseille. Il est près du | 55 | plus de risques d’explosion, les rescapés6) se rap- | ||||
| péage5) quand tout à coup, le choc ! Un automobi- | prochent de l’avion où brûlent de petits feux. Trois | |||||
| liste qui s’est endormi heurte violemment la voiture | heures après, ils entendent passer des hélicoptères | |||||
| 10 | de Pierre par l’arrière. Les deux voitures ne peuvent | qui... s’en retournent sans les avoir vus. On com- | ||||
| plus rouler. Pierre sort de sa voiture ; il est très ef- | mence à perdre courage, Romain se met à pleurer. Il | |||||
| frayé mais il n’a rien. Les gendarmes, qui arrivent | 60 | a faim et froid. Pierre le rassure en lui parlant dou- | ||||
| sur place s’en étonnent beaucoup. | cement. Enfin, au bout de cinq heures une équipe de | |||||
| Au lieu de monter dans un avion, Pierre monte | télévision les trouve et va prévenir la gendarmerie. | |||||
| 15 | dans une voiture de dépannage qui le ramène à sa | Romain et Pierre sont évacués vers deux hôpitaux | ||||
| maison. Il doit attendre le prochain vol, en fin | différents. | |||||
| d’après-midi. A 17h15, il embrasse sa femme, qui | 65 | Mais le lien entre l’enfant et l’adulte ne sera pas | ||||
| l’a accompagné à l’aéroport, et promet de lui télé- | rompu. De retour à Marseille, Pierre a eu des nou- | |||||
| phoner dès son arrivée à Strasbourg. | velles de sa « petite mascotte ». Les parents de Ro- | |||||
| 20 | Comme il est habitué à faire des voyages en | main lui ont téléphoné pour le remercier d’avoir pris | ||||
| avion, pour son travail, Pierre n’a absolument pas | soin de leur fils. Deux mois plus tard, Pierre a rendu | |||||
| peur. Il s’ennuie plutôt. Par moments il regarde de- | 70 | visite à Romain à Strasbourg. Ils ont peu parlé de la | ||||
| hors. Cette fois-ci il y a beaucoup de brouillard. | tragédie, ce qui est normal. Romain était surtout | |||||
| Pierre ne s’en inquiète pas. Il est installé à l’arrière | content qu’on ait retrouvé son cartable « avec toutes | |||||
| 25 | de l’avion, une place inhabituelle pour lui. D’habi- | ses affaires d’école ». Et puis les deux amis ont | ||||
| tude il voyage en classe affaires, à l’avant. Cette | discuté ski, surf et Afrique, trois passions qu’ils ont | |||||
| fois, comme il a réservé au dernier moment, Pierre | 75 | en commun. | ||||
| n’a pas eu le choix... Après une heure environ, la | Aujourd’hui, quand une voiture ne démarre pas | |||||
| voix du commandant de bord se fait entendre. Il de- | assez vite au feu vert, Pierre garde son calme. Voir | |||||
| 30 | mande aux passagers d’attacher leur ceinture, l’atterrissage | la mort de près, deux fois dans la même journée, ap- | ||||
| est proche. Soudain un choc secoue l’avi- | prend à s’irriter moins des petits ennuis de tous les | |||||
| on dans tous les sens. La tête de Pierre tape contre | 80 | jours. | ||||
| quelque chose de dur. | ||||||
| Puis, le silence et le noir complet. Pas un cri, pas | Isabelle Gravillon, dans « Femme actuelle » août | |||||
| 35 | une voix. Un moment, Pierre croit être le seul | 1996 |